Bon appétit! Le conte à rebours alimentaire pour gagner
en vitalité!
Ce petit conte dénonce un certain nombre de dérives et de
manipulations, mais il vise moins à révéler la vérité qu'à favoriser la prise de
conscience. L'alimentation est en effet au coeur de la vie et des pathologies !
Au-delà des batailles d'experts et des messages du marketing, voilà la seule
variable d'importance : la vitalité que nous tirons, ou pas, de nos habitudes
alimentaires !...
Benoît Saint Girons
B o n a p p é t i t !
E n f i n, s i v o u s o s e z ...
C'est l'histoire d'un ras-le-bol alimentaire...
Ce petit conte dénonce un certain nombre de dérives et de manipulations,
mais il vise moins à révéler la vérité qu’à favoriser la prise de
conscience. La nutrition n’est pas une science exacte, mais on ne peut pas
laisser dire et faire n’importe quoi !
L’alimentation est en effet au cœur de la vie… et des pathologies !
« Dis-moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es.» Je te dirais aussi
comment tu te sens… Au-delà des batailles d’experts et des messages du
marketing, voilà je crois la seule variable d’importance : la vitalité que
nous tirons – ou pas – de nos habitudes alimentaires !
Des spécialistes arguent de l’allongement de la vie pour vanter l’excellence
de l’alimentation moderne. Dans un sens, ils ont raison : jamais notre
alimentation n’a été aussi abondante et variée, jamais elle n’a été aussi
"hygiénique" et "raffinée". Au point que l’on en vient à interdire aux
parents d’apporter en classe des gâteaux « faits maison » lors des goûters
d’anniversaires…
Mais quelques faits viennent quand même troubler cette vision idyllique.
L’explosion des maladies de civilisation tout d’abord. Chaque année en
France, les cancers chez les enfants augmentent de 1,1% et, à un instant
donné, sept Français sur dix déclarent souffrir d’au moins une maladie.
Chaque personne déclare « un jour donné », en moyenne 2,9 troubles de
santé... Nous vivons certes plus vieux, mais nous vivons souvent malades. Si
l’alimentation est notre première médecine (Hippocrate), le moins que l’on
puisse dire est qu’elle est défaillante !
Et puis il y a les statistiques venues d’ailleurs : Okinawa, par exemple, où
l’on compte trois fois plus de centenaires qu’en France et où les habitudes
alimentaires jouent un rôle déterminant.
Le challenge de l’alimentation est donc double : éviter le pire, d’un côté,
vivre en meilleure forme, de l’autre.
Bon appétit !
Ce nouveau conte à rebours aborde, sous l'aspect d'une petite histoire aux
multiples rebondissements et de nombreux dialogues, la plupart des
problématiques de la malbouffe.
Il possède aussi plusieurs niveaux de lectures. On peut se contenter de lire
l'histoire mais la réflexion viendra aussi de l'analyse des faits! « Rien
n’est plus gênant que les faits, ils empêchent de croire ce que l’on veut
»!disait Claude Roy... Or ce ne sont pas les scandales qui manquent!
Histoires et faits chemineront ainsi en parallèle. Sans les faits,
l’histoire manque de poids, de contact avec la réalité. Sans histoire, les
faits ne s’adressent généralement qu’à un public d’initiés. Il existe des
livres admirables sur chacun des sujets abordés ici, mais combien les lisent
?
Ce petit conte dénonce un certain nombre de dérives et de manipulations,
mais il vise moins à révéler la vérité qu’à favoriser la prise de
conscience. La nutrition n’est pas une science exacte mais ce n’est pas une
raison pour laisser dire ou faire n’importe quoi !
Matraquage
La campagne publicitaire ne connut pas de crescendo : elle fut massive dès
le départ et, à la fin de la quinzaine, il fallait avoir joué à l’ermite
pour ne pas avoir entendu parler du produit.
L’agence de pub avait bâti un plan marketing aussi rigoureux qu’efficace, à
la mesure des énormes moyens mis à sa disposition. Il comportait trois
étapes.
Tout d’abord, intriguer. Des messages passèrent en boucle à la radio sur le
thème de la nouveauté quasi-révolutionnaire : « Le produit que vous
attendiez tous ! », « Le must des stars outre-atlantique ! », « Un goût et
une vitalité uniques », « La révolution des habitudes alimentaires »,…
Au même moment, les publicitaires quadrillèrent Internet et ses forums afin
d’y répandre quelques rumeurs savamment dosées. Untel revenait des
Etats-Unis où il avait assisté à des scènes de quasi émeutes... Une autre –
nutritionniste – se croyait autorisée à dire tout le bien qu’elle avait ouï
dire du produit... Un troisième avait participé à l’ébauche de la campagne…
Sans jamais dire précisément de quoi il s’agissait, ces témoignages
"spontanés" réussirent à créer le buzz et, à en croire la société
importatrice, permirent de dépasser le million de téléchargements de la
« vidéo pirate » mise opportunément en ligne en fin de première semaine : la
publicité américaine pour une boisson rouge sang… dans laquelle apparaissait
Madonna !
Deuxième étape : occuper le terrain ! 6 435 panneaux de 8 ou 12m² répartis
sur 136 agglomérations dévoilèrent en même temps les mensurations d’une
boisson « au goût indescriptible », « aux vertus détonantes ! », et à la
« fraîcheur mythique ». Aperçu en moyenne 18 fois sur la semaine par 25
millions de prospects, (1) le nom de la boisson – Herbobio – et son slogan
« c’est bobio la vie ! » se frayèrent sans difficulté un chemin dans
l’inconscient collectif.
Mais pour ne rien laisser au hasard, des camions Mobil'Pub s’incrustèrent
dans les mouvements de population (2)avec notamment pour consigne de faire
la sortie des écoles : les enfants étaient d’excellents prescripteurs et les
embouteillages pollués offraient le cadre idéal pour véhiculer la promesse
d’une « soif meilleure »…
Le design était aguichant : toute en rondeur, la canette en aluminium
réussissait à évoquer sans aucune vulgarité une ravissante silhouette
féminine. Le packaging était tout aussi tendance : un habile mélange de noir
et de paillettes avec une pointe de blanc ou de couleur… selon la version du
breuvage !
Les explications furent données en presse magazine : chaque couleur
répondait à un besoin spécifique. Herbobio Blanc, « enrichi en calcium :
l’équivalent d’un verre de lait ! », s’adressait aux enfants en croissance.
Herbobio Noir était suffisamment riche en vitamines, caféine et autres
plantes aphrodisiaques pour « accompagner les hommes qui en ont jusqu’au
bout de la folie… ». « Mais en avez-vous ? » interrogeait la publicité.
Herbobio Bleu était plus subtil et se vantait de « réguler le stress » et de
favoriser « un sommeil réparateur ». Herbobio Vert, « 100% bio et naturel »,
arborait fièrement le logo AB. (3) Herbobio Jaune était une version light à
base de fruits et légumes « aux vertus amincissantes pour les femmes qui
assurent ! » Quant à Herbobio Rouge, il s’agissait de la version standard du
produit, à base d’extraits de plantes. Sa consommation régulière promettait
de « doper le système immunitaire et favoriser la bonne santé ». Rien que
ça !
Dernière étape : faire mousser ! Les rumeurs reprirent de plus belle sur
Internet. Selon des « sources bien informées », il existait une version
argentée aux vertus rajeunissantes, destinée aux vedettes et coûtant près
d’une centaine d’euros la bouteille…
Nuls ragots du côté des experts mis à contribution mais de savants
commentaires sur ces « boissons alternatives très intéressantes lorsque l’on
ne souhaitait pas passer pour un 'rabat-joie' et boire de l’eau. »
Tout juste émettaient-ils quelques réserves pour Herbobio Noir, une boisson
« à consommer avec une extrême modération du fait de ses composants
surpuissants.»
Exactement ce qu’il fallait dire pour que l’on se précipite dessus…
Notes:
[1] 452 millions d’occasions de voir (ODV) pour un coût de 2 115 000 € brut.
La campagne "Foule Empir" proposée par le réseau Avenir ne fait pas dans la
discrétion... http://www.avenir.fr
[2] « Les camions Mobil'Affiche suivent les mouvements de population et les
flux de circulation les plus denses. Ainsi vous communiquez aux heures de
pointe et dans les lieux stratégiques où se trouve le plus grand nombre de
prospects : bouchons, feux rouges, zones commerciales, sorties d'usines,
arrivées de trains...» (http://www.companeo.com)
[3] Le logo officiel pour Agriculture Biologique, propriété exclusive du
ministère français en charge de l’agriculture, garantit un aliment composé
d’au moins 95 % d’ingrédients issus du mode de production biologique.
J'ai écrit la première "mouture" de ce conte en quelques jours mais j'avais
un gros avantage: je disposais déjà d'une bonne compilation des différents
scandales alimentaires. Je ne savais pas encore comment les mettre en forme
mais je savais déjà ce qui devait être dénoncé!
Une fois la première esquisse en place, il y a eu à nouveau un bon travail
de relecture et de fignolage... ainsi, dans un second temps, l'ajout de
"dialogues au sommet" supplémentaires pour rendre l'ensemble encore plus
vivant. Voici par exemple le 2ème chapitre...
Thierry & Franck
« Qu’est-ce que c’est encore que cette saloperie » se demanda Thierry.
C’est sur le périphérique, en se rendant à son travail, qu’il avait
découvert l’existence d’Herbobio. « Pas de doute, ils ont sorti l’artillerie
lourde, se dit-il à la vue du second panneau, ça doit vraiment être
dégueulasse… »
Thierry était cadre supérieur dans l’industrie agro-alimentaire, plus
précisément en charge du marché des soupes en sachets. Autant dire qu’il
connaissait par cœur les rouages du système et la manière de faire passer
des vessies lyophilisées pour de splendides lanternes. De ce point de vue,
le matraquage médiatique était toujours – et de loin – la meilleure méthode…
Pour autant que l’on puisse se l'offrir !
Car seuls quelques groupes avaient en définitive les moyens de leurs
ambitions démesurées. Une dizaines de firmes contrôlaient la quasi-totalité
des marques connues du grand public et entretenaient la flamme à coups de
centaines de millions d’euros d’investissements publicitaires. Herbobio
devait appartenir à l’une d’entre-elles.
- Salut Thierry !, lança Franck dès que ce dernier eut passé le sourire de
l’hôtesse d’accueil, tu as vu la dernière campagne de décervelage des
ménagères ? Ça en jette, hein !
- Tu veux parler de Herbo machin ? Franchement, le type qui leur a fourgué
leur slogan doit être un as de la persuasion ! Y en a marre de ces pubs sans
créativité qui prennent les gens pour des cons! (1) « C’est bobio la vie ! »
Moi j’aurais opté pour « un peu plus de sucre dans votre vie de merde ! » Ça
aurait eu le mérite de l’honnêteté !
- Vade retro Satanas ! déclara Franck en se signant. N’oublie pas que tu a
fait vœux de laisser ton éthique au vestiaire…
- Oui, je sais et j’ai signé le contrat avec mon sang… rétorqua Thierry en
rigolant. N’empêche que j’en ai ma claque de courir à côté de concurrents
aussi dénués de scrupules. Ça m’oblige à être aussi retord qu’eux !
- Ouais mais imagines un instant le bordel si une multinationale se mettait
tout d’un coup à élaborer de vrais produits de qualité… On ferait quoi,
nous, pour rester à niveau ?
- Et pourquoi pas la même chose ? Si le produit est bon, il aura moins
besoin de marketing et les économies réalisées permettront de compenser le
surcoût de la recette…
- Toi, tu as encore abusé de tes soupes, plaisanta Franck. Ton raisonnement
est formidable mais tu oublies que les hypers requièrent des produits à
longue durée de conservation et que nous dépendons de la pub pour exister
dans les rayons. Dans ces conditions, l’illusion de la qualité sera toujours
la plus rentable!
- Mais pour combien de temps encore ? Les scandales se multiplient et les
consommateurs deviennent de plus en plus méfiants…
- Pour le moment, je constate surtout qu’ils se précipitent vers les hard
discounts afin d’économiser encore trois euros six sous sur leur budget
malbouffe. (2) Tant que le pouvoir d’achat est en berne, nous sommes
tranquilles et c’est bien pour cela que les patrons n’augmentent pas les
salaires !
- Approchez mesdames et messieurs pour le grand numéro de cynisme ! Tu as
peut-être raison, Franck, mais en attendant, ce n’est pas dans les hard
discounts qu’ils trouveront mes soupes !
- Voilà pourquoi elles continueront à être perçues comme du haut de gamme!
On se fiche pas mal que les gens se fournissent en premier prix. C’est si
ils commençaient à se tourner vers la bio ou les petits marchés qu’il y
aurait danger : c’est alors qu’ils risqueraient de réaliser que les grandes
marques ne méritent pas forcément leur nom…
- C’est bien pourquoi les grands groupes commencent à racheter les petites
sociétés bio…(3) De plus en plus de consommateurs consomment bio!
- A peine 2% de part de marché, tu parles d’une tendance! (4) Si tu veux mon
opinion, ces rachats viennent moins des perspectives de profits que de la
volonté de verrouiller le secteur. Tu sais que les OGM seront bientôt
autorisés dans les produits AB à hauteur de 0,9% ? (5) C’est la dernière
trouvaille du système pour rendre le bio un peu moins « spécial » ! Et toi
alors, tu en as déjà mangé bio ?
- J’ai pris une fois une compote dans un supermarché mais je n’ai pas été
convaincu. C’était bien plus cher et le sucre masquait complètement le goût
des fruits. Je sais bien que c’est parce qu’il n’y avait pas d’arômes dedans
mais, pour le coup, mon bonhomme n’a pas voulu finir !
- Voilà peut-être une autre tactique des grandes enseignes pour contenir le
bio: lancer dans les rayons des produits de moindre qualité gustative afin
de dégoûter le consommateur. Quel âge a ton fils déjà ?
- Six ans.
- Si jeune et déjà formaté par les saveurs magiques de la chimie ! (6) Tu
sais Thierry, tu n’es pas obligé de pousser ta conscience professionnelle
jusqu’à nourrir ta famille avec nos recettes…
- Je sais bien… Mais tout n’est pas mauvais et le risque reste minime...
- D’accord mais tu joues quand même avec le feu ! Tu connais comme moi le
pouvoir d’addiction de la chimie et c’est durant l’enfance que les habitudes
alimentaires se mettent en place… Fais gaffe avec ton fils : pour la
première fois dans l’histoire moderne, nos enfants pourraient vivre moins
longtemps que nous…
- Oui, j’ai lu ça quelque part… Mais l’alimentation n’est pas la seule
variable en cause ! Il y a aussi la pollution…
- Soit ! Reste que nos défenses immunitaires sont directement liées à ce que
nous ingérons. Tu te rends compte que l’on commence à diagnostiquer des
diabètes de type 2 chez des enfants !
- Ecoute, pour le moment, Michael va bien. Il est peut-être un peu surexcité
mais il n’est pas le seul et quand on voit ce que leur propose la
télévision, on comprend vite pourquoi…
- Tu parles de quoi là ? Des programmes ou bien des pubs que nous faisons
passer durant les émissions? (7)
- Je pensais à la violence des programmes mais tu as sans doute raison pour
les pubs. C’est vrai qu’il me demande parfois de sacrées cochonneries et
quand je lui demande où il veut aller au restaurant, tu sais ce qu’il me
répond ? (8)
- Mac Do ? (9)
- Exactly! Comme quoi nous ne sommes pas les pires…
- Non, nous se sommes pas les pires, concéda Franck, mais cela suffit-il à
notre amour propre ?
- Que veux-tu dire ?
- Quand nous nous regardons dans la glace, que voyons-nous ? Un requin en
costard, un salarié qui fait de son mieux ou un homme conscient et fier de
son utilité ?
- Pour ma part, ce serait plutôt un type hirsute qui doit se raser…
- Tu as raison, Thierry, de rester dans le concret : cela évite les
problèmes de conscience…
- Je te trouve bien sérieux tout à coup… Où est passé le cynique qui ne
voulait pas faire de qualité ?
- J’ai dit que c’était difficile, pas que je ne le souhaitais pas. Tout le
monde préfèrerait être vertueux et travailler pour le meilleur ! Le problème
est que nous détournons souvent le regard afin de continuer à dormir
tranquille et à toucher nos salaires, le prix de notre somnolence… C’est
pourtant lorsque l’on se réveille que la vrai vie commence !
- Les emmerdes aussi… Et toi alors, tu es réveillé ?
- Je commence tout juste à ouvrir les yeux… Mais un projet sur lequel je
travaille devrait me pousser rapidement hors du lit…
- Quel projet ?
- C’est encore un peu tôt pour en parler… Mais ne t’en fait pas, tu seras
l’un des premiers informés !
- Comme tu veux… Bon, pour en revenir à Herbobio, que comptes-tu faire, toi
qui est expert en petites bulles ?
- Secret défense, mon cher Thierry ! Non, en fait, je n’en sais rien.
Personne n’a encore pu goûter à la boisson et nous ne savons même pas d’où
ils sortent ! Comment veux-tu lutter dans de telles conditions ? Tout ce que
nous savons, c’est qu’ils ont de gros moyens et que le design de la canette
ne laisse pas indifférent…
- La silhouette féminine… Simple mais efficace !
- La déclinaison en plusieurs versions pourrait aussi nous donner du fil à
retordre, continua Franck, c’est très malin !
- Heureusement que mes soupes n’ont rien à craindre, conclut Thierry. Bon,
allez, ce n’est pas encore cette fois que nous referons le monde… Au boulot
les rêveurs!
En quoi Thierry se trompait doublement…
Sélection de notes:
[1] «Chez Procter on a un dicton : « Ne prenez pas les gens pour des cons,
mais n’oubliez jamais qu’ils le sont. » (Frédéric Beigbeder, 99 francs,
Folio Poche, p.40)
[1] «Chez Procter on a un dicton : « Ne prenez pas les gens pour des cons,
mais n’oubliez jamais qu’ils le sont. » (Frédéric Beigbeder, 99 francs,
Folio Poche, p.40)
[2] La part de l’alimentaire est passée de 26,9% dans les années 60 à 13,9%
aujourd’hui…
[3] Danone est ainsi entré dans le capital de Stonyfield Farm en 2005 pour
développer sa marque "Les 2 vaches des Fermiers du Bio" ! Quelle différence
par rapport aux produits "classiques" ? « Les animaux ne sont pas attachés
et l’écornage n’est pas systématique. Les vaches ne dorment pas n’importe où
[…] Elles peuvent accéder aux pâturages, à une aire d’exercice en plein air
ou à un parcours extérieur partiellement couvert. Les veinardes ! »
(source : http://www.les2vaches.com ) On plaint surtout les autres… Autre
différence : « Dans une préparation laitière classique, les coûts se portent
plus sur le marketing et la communication que sur la fabrication. Le bio, au
contraire, exige d’investir plus lourdement en amont […] Les yaourts sont
proposés 4% moins chers que leurs concurrents bio […] mais les pots ne
contiennent que 115 grammes au lieu de 125… [soit 8% de moins] » (Pour
percer dans le bio, Danone révolutionne son marketing, Sophie Lécluse,
Management, Décembre 2006, p. 58) Autrement dit : dans le non-bio, les
consommateurs financent beaucoup de marketing et il ne suffit pas d’investir
dans le bio pour en acquérir les valeurs !
[4] Si une enquête CSA / Agence Bio déclarait « 47 % des Français ont
consommé au moins un produit Bio au moins une fois par mois en 2005 », seuls
5 à 6 % des Français sont des consommateurs dits « réguliers » avec au
moins… 6 produits par semaine ! Globalement, les aliments Bio représentent
moins de 2 % des aliments consommés et 2 % seulement de la superficie
agricole (contre 3,9% dans le monde)
[5] Le 12 juin 2007, contre l’avis du Parlement Européen et des
consommateurs, la Commission Européenne a proposé au vote du Conseil des
ministres des états membres un texte autorisant la contamination des
produits estampillés Bio par les OGM à hauteur de 0,9%, comme les autres
produits issus de l’agriculture conventionnelle à partir de 2009! Alors
ministre de l’agriculture dans le premier gouvernement de Sarkozy, Christine
Lagarde s’est empressée de signer le texte. Le fait qu’elle ait eu la firme
Monsanto comme cliente dans le cabinet d’avocat d’affaires qu’elle dirigeait
jadis n’a évidemment rien à voir. Heureusement, il restera toujours des
labels indépendants plus rigoureux tels que Nature&Progrès ou Demeter…
[6] A force de raffiner et de dénaturer leurs matières premières, les
industriels se retrouvent avec des substances insipides voire amers,
impossibles à faire admettre en l’état à des organismes naturellement
humains. D’où le recourt massif aux arômes (l’Union européenne en consomme
chaque année 170 000 tonnes, la France 40 000 tonnes)! Le problème est que
notre sens du goût a aussi pour vocation de nous prémunir contre les
aliments non consommables, l’amertume agissant comme un signal d’alerte. «
Si on la masque, l’organisme risque d’absorber des produits qui lui sont
préjudiciables » dénonce Hans-Ulrich Grimm dans son livre Arômes dans notre
assiette, la grande manipulation ( Terre vivante, 2004) Un autre problème
est que les arômes induisent l’organisme en erreur : « un arôme de bœuf
indique à l’estomac qu’il aura bientôt à transformer de la viande, mais rien
ne vient. Le système tourne à vide et provoque inévitablement une sensation
de faim. » explique Léonard Kartz (Arômes : les faussaires du goût, Quelle
Santé N°6, Juin 2006, p. 6) Les arômes utilisés sont-ils naturels ? Souvent
oui mais la nature a parfois le sens de l’humour : comme toute la production
mondiale de fraise ne suffirait pas à aromatiser 5% des produits au goût de
fraise des seuls Etats-Unis d’Amérique et comme en plus le goût de fraise
supporte mal le temps, on utilise souvent… des copeaux de bois d’Australie !
Le bois aussi est naturel, non ?
[7] « Sur les 217 spots alimentaires ciblant les enfants, relevés pendant
quinze jours sur les plus grandes chaînes de télévision à l’heure des
émissions enfantines, 89% concernent des produits très sucrés ou gras ! […]
Globalement, les publicités participent activement à la construction de
"l’idéal alimentaire" des enfants. Entre les repas, 60% d’entre eux
sollicitent viennoiseries, confiseries, gâteaux gras ou sucrés, et au petit
déjeuner, 64% réclament des céréales très sucrées, des viennoiseries,
gâteaux et confiseries, produits qui font l’objet de l’investissement
publicitaire le plus massif ». (Alain Bazot, communiqué de presse UFC-Que
Choisir, 29 septembre 2006)
[8] « L’influence de la pub sur les jeunes n’est plus à démontrer. Selon une
étude réalisée, en octobre dernier, pour le ministère de la Santé, 47% des
8-14 ans confessent qu’elle leur donne envie de manger ou de boire, 62%
réclament ce qu’ils ont vu à la télé… et 91% déclarent l’obtenir grâce à la
faiblesse de leurs parents. » (Jean-Michel Thénard, La campagne contre
l’obésité mettrait publicitaires et industriels à la diète, Le Canard
enchaîné, 16 avril 2008, p.4)
[9] « Demandez aux 8-12 ans de vous décrire leur repas dominical rêvé : ils
seront 56% à plébisciter le fast-food » (Isabelle Saporta, Les enfants et la
télé : bonjour les dégâts alimentaires !, Marianne, 20 janvier 2007, p. 80)
Ce conte sera-t-il jamais terminé ? Je suis très satisfait de la présente
version mais en sera-t-il de même demain ? Les remarques des lecteurs me
sont toujours précieux et les scandales n'arrêtent pas de tomber...
Je trouve aussi intéressant de travailler sur un concept plutôt que sur un
énième livre qui, une fois publié, est gravé une fois pour toute! Internet
offre en outre une bien meilleure réactivité qu'un éditeur traditionnel (il
faut plusieurs mois pour publier un livre or il y a urgence!) et, encore une
fois, les scandales n'arrêtent pas de tomber...
Prenez l'univers des hypermarchés par exemple, dans le troisième chapitre:
RAYONNAGES
Les consommateurs qui se ruèrent dans les hypermarchés à la recherche des
« boissons miracles » furent désolés d’apprendre qu’ils s’étaient garés pour
rien. Herbobio avait choisi de développer son propre circuit de
distribution.
Pour un internaute, il ne pouvait s’agir que de magasins dédiés, sur le
modèle de ce qui se faisait pour du café en capsules : cela permettrait à la
marque de se positionner sur le créneau « exclusif haut de gamme » et de
pousser ses prix vers le haut…Un autre évoqua des réunions de type
Tupperware avec des « Experts en nutrition » en hôtes affables et
assoiffant… Un troisième imagina des distributeurs automatiques,
stratégiquement placés à proximité des magasins bio… à défaut des cours de
récréation !
Les rumeurs ne cessèrent que lorsque la société annonça par voie de presse,
le lancement de son site Internet : www.herbobio.com. C’est là et nulle part
ailleurs qu’il serait possible de s’approvisionner !
Pressentant que cette annonce n’était pas de nature à créer suffisamment de
polémique, Herbobio expliqua – via un publireportage dans le magazine Marie
Anne – sa décision de se passer des grandes surfaces sous le titre
provocateur : « Pourquoi Herbobio dit Non aux distributeurs ! »
« Nous avons étudié la possibilité d’une telle collaboration pour finalement
la rejeter sur la base des marges arrières (1) et de la pression exercée par
les grandes surfaces sur l’emploi, l’environnement, l’agriculture et la
société en général.
Au niveau de l’emploi, chaque emploi créé en grande surface a conduit à la
disparition de 3 à 5 emplois ailleurs. Entre 1966 et 1998, le nombre de
commerces de proximité en France a ainsi baissé de 58%, tandis que la
population augmentait de 30%. (2) Herbobio souhaite renverser la tendance et
bâtir un réseau local au contact direct des citoyens !
Au niveau de l’environnement, le système des centrales d’achat
décentralisées et de l’approvisionnement au moindre coût est responsable de
la plus grande partie du fret routier européen. (3) Herbobio vise à
développer le circuit le plus court possible, limitant ainsi l’usage de la
voiture par le consommateur.
Au niveau de l’agriculture, les enseignes exigent des produits à bas coûts,
esthétiquement parfaits et calibrés au millimètre... Résultat, le maraîchers
n’ont d’autre choix que de se limiter à quelques variétés produites de
manière intensive à l’aide de substances chimiques. (4) Les étalages sont
magnifiques mais il n’y a plus ni odeur, ni goût ! Herbodio entend
préserver la biodiversité de la planète et favoriser l’éveil des sens.
Au niveau de la société enfin, les grandes surfaces se sont bâties sur un
ensemble d’illusions et de malentendus. Le choix est synonyme de liberté ?
Non, l’embarras du choix ne fait que renforcer l’influence de la publicité
et des promotions ! Le libre-service est la garantie de prix bas ? En
réalité, seul un infime pourcentage de produits sont bradés pour attirer le
chaland! (5) Faire ses courses en grande surface est plaisant ? Nous vous
laissons répondre...
Bref, une distribution en grande surface ne nous a pas paru être une
solution honnête (6) ou responsable. Résolument tourné vers l’homme Herbobio
entend démontrer qu’il est possible de concilier services de proximité et
coûts raisonnables. Rendez-vous sur www.herbobio.com pour découvrir tout ce
que nous pouvons faire ensemble pour un monde meilleur! »
Il fallait être particulièrement inconscient ou téméraire pour se mettre
ainsi à dos les plus puissants distributeurs du pays… mais la publicité eut
l’effet escomptée : elle ne passa pas inaperçue !
Les commentaires repartirent de plus belle sur la stratégie de cette société
« forte en gueule » qui disait tout haut ce qu’un certain nombre de
fabricants n’osaient même pas penser tout bas… par crainte de représailles
des grandes enseignes.
Une multinationale ne pouvait risquer le déréférencement. Herbobio devait
donc appartenir à une société indépendante… et fier de l’être ! Côté
promotion, elle avait dans tous les cas réalisé un sans faute : inconnue il
y a dix jours, elle était désormais de toutes les conversations…
… au point de presque éclipser les réactions outrées des représentants des
grandes enseignes :
Embranchement dénonça une attaque gratuite dénuée de tout fondement alors
que les grandes enseignes prévoyaient cette année l’embauche de 26 500
personnes. (7)
Lecaissier rappela que les grandes surfaces étaient à l’avant-garde du
combat contre la vie chère et que seule une réglementation d’un autre âge,
heureusement remise en cause aujourd’hui, les avait empêché de s’exprimer à
la mesure de leurs moyens. Et d’annoncer que l’inflation, grâce à eux,
serait divisée par deux au second trimestre. (8)
Roulette Russe conclut en disant que la tendance était à davantage de
grandes surfaces parce que cela correspondait à l’attente des citoyens et
que l’on ne pouvait pas revenir à l’époque de grand-papa. Point final !
Afin de bien marquer leur réprobation, un certain nombre de directeurs de
magasins reçurent aussi pour consigne de discrètement faire disparaître de
leur point presse le numéro blasphématoire de Marie Anne... (9) Le droit à
l’information avait tout de même des limites !
Sélection de notes:
(1) « De plus en plus, le profit des supermarchés ne vient pas des marges
sur la nourriture vendue mais des contributions directes des fabricants.
[les fameuses marges arrières] Ces paiements ne se retrouvent pas dans le
calcul des marges, permettant ainsi aux détaillants d’arguer qu’ils sont
très compétitifs et travaillent avec de très faibles marges [de l’ordre de
2%] » (Felicity Lawrence, Not on the label, Penguin, 2004, p.152, traduit de
l’anglais par l’auteur)
(2) Christian Jacquiau, Comment les hypers détruisent des milliers
d’emplois, dans le dossier Le livre noir de la grande distribution,
Marianne, 18 décembre 2004. Voir aussi le livre de Christian Jacquiau, Les
coulisses de la grande distribution, Albin Michel, 2000.
(3) « Entre 35 et 40% des camions sur les routes du Royaume-Uni sont
aujourd’hui impliqués dans la production ou le transport de la nourriture.
[…] Ce système a aussi imposé un lourd tribu sur nos infrastructures de
transport. Il s’agit là de l’un des facteurs ayant le plus contribué à
l’expansion du réseau routier à travers l’Europe. » (Felicity Lawrence, op.
cit., p.78 et 83, traduit de l’anglais par l’auteur) « Avec un budget total
estimé à 400 milliards d’euros pour sa première phase, le réseau
transeuropéen [TEN] est le plus important programme d’infrastructures de
transport de l’histoire mondiale. Entre 1985 et 1995, la quantité de gaz
carbonique générée par le transport routier a augmenté d’un tiers. » (Europe
Inc., Comment les multinationales construisent l’Europe et l’économie
mondiale, Observatoire de l’Europe Industrielle (CEO), Agone, 2005, p.149)
(4) Sur les 3 000 variétés de pommes du début du XXème siècle, seule une
demi-douzaine a survécu jusqu’aux rayons des grandes surfaces. Nous avons
l’illusion du choix mais 90% de notre alimentation se résume en réalité à
une trentaine d’espèces végétales et 7 ou 8 espèces animales. En Picardie,
les pommiers sont traités 27 fois en moyenne… Quant au raisin, « On est tout
de même en droit de se demander si appliquer jusqu’à treize pesticides de
synthèse différents participe bien de la « lutte raisonnée » qu’agriculteurs
et firmes phytosanitaires évoquent dans leurs discours. Et si absorber tous
ces produits, même en petite quantité, en même temps que son grain de
raisin, est très recommandé… Les amateurs de muscat, chasselas et autre
Italia qui ont préféré acheter bio cet automne ont été bien inspirés. » (Les
raisins n’ont pas la patate, Fabienne Maleysson, Que Choisir, Février 2008,
p. 46)
(5) « Le paradoxe est que les produits frais ne sont plus du tout bon
marchés. Après avoir été emballés et transportés et une fois que les
distributeurs ont ajouté leurs marges, ils sont même très chers. »
(Felicity Lawrence, op. cit., p.76, traduit de l’anglais par l’auteur)
(6) « En 1995, la Direction générale de la concurrence, de la consommation
et de la répression des fraudes estimait que 9% des grandes surfaces étaient
entièrement ou partiellement illégales. D’après l’association En toute
franchise, le chiffre dépasse aujourd’hui 20%. Selon elle, le montant des
amendes impayées par la grande distribution pour ses mètres carrés sauvages
se chiffre en milliards d’euros… » (Règles d’implantation à revoir, Erwan
Seznec, Que choisir, mai 2008, p.44) http://entoutefranchise.free.fr/
(7) Pour 2005, la grande distribution française annonçait l’embauche de 26
500 personnes. Ce chiffre, attrayant en apparence, est l’arbre qui cache le
parking : il répond surtout au besoin de remplacer les collaborateurs qui
partent à la retraite ou qui démissionnent à cause de conditions de travail
difficiles.
(8) « Ami de Sarko et l’un des inspirateurs du projet, Michel-Edouard
Leclerc triomphe et promet une « inflation divisée par deux au second
trismestre ». Mais Luc Chatel, plus prudemment, prévoir « une baise de 1,6%
[des prix] au bout de trois ans ». (Jean-françois Julliard, Le gouvernement
se paie nos têtes de gondole, Le Canard enchaîné, 30 avril 2008, p.3) « La
loi de modernisation de l’économie, baptisée « LME », mériterait de
s’appeler loi MEL [pour Michel Edouard Leclerc]. Pourquoi ? Parce que le
dogme des centres Leclerc repose depuis toujours sur une fausse évidence :
concurrence = baisse des prix = pouvoir d’achat. Or, primo, le pouvoir
d’achat dépend bien davantage des salaires, des loyers ou du coût des
transports que des prix des produits alimentaires (entre 14 et 20% du budget
des ménages, selon leurs revenus). Secundo, la baisse des prix implique une
concurrence qui précarise les emplois créés (par ailleurs payés au
lance-pierre) et débouche souvent sur des délocalisations. Tertio, les
enseignes de la grande distribution, qui prétendent rechercher la
concurrence, n’aspirent qu’à tordre le cou des plus petits et à éviter
l’affrontement avec les plus gros. » (Daniel Bernard, Leclerc, l’imposteur
du pouvoir d’achat, Marianne 24 mai 2008, p.17)
(9) La grande distribution a déversé en 2003 près de 229 millions d’euros
dans les caisses de la presse écrite et l’investissement publicitaire hors
affichage de Leclerc en 2007 s’élevait à plus de 201 millions d’euros. Suite
à la publication du dossier Le livre noir de la grande distribution » (18
décembre 2004), un lecteur signalait que des Centres Leclerc avaient retiré
le magazine Marianne de la vente…
Bref, j'ai décidé, compte tenu de l'urgence à éveiller le maximum de
personnes à l'Aliment'Action, d'offrir ce livre gratuitement sous la forme
d'un petit fichier pdf.
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