Les lectures du Mendiant contre le système: Les nouveaux maîtres du monde
Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent...
Parmi ceux-ci, Jean Ziegler,
rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, droit
trop souvent sacrifié sur l'autel des profits... Les meilleurs extraits commentés par le Mendiant...
Benoît Saint Girons
L e s l e c t u r e s
d u M e n d i a n t
Les nouveaux maîtres du monde
Et ceux qui leur résistent
► Jean Ziegler
Fayard, novembre 2002
Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à
l’alimentation, connaît parfaitement son sujet alors il n’y a pas de raison
qu’il mâche ses mots : les maux engendrés par le capitalisme débridé sont
contraires à l’esprit des lumières européen et toxiques pour l’homme.
Nous sommes entrés dans une « troisième guerre mondiale », dans la dictature du
TINA (« There is no alternative ») où, dans l’idéal totalitaire, l’homme ne sert
qu’à consommer (s’il a la chance d’être né dans le Nord) ou produire (dans le
Sud). Les Maîtres ou « prédateurs », ce sont les multinationales et les
financiers, exclusivement occupés à multiplier leurs profits. Les « mercenaires
» se couchent ou se prosternent devant les premiers : ce sont les organismes
internationaux et les technocrates, bien sûr, mais de plus en plus souvent aussi
des hommes politiques. « On n’a pas le choix. On ne peut rien faire d’autres ! »
se défendent-ils.
Ce n’est heureusement pas l’avis de la « nouvelle société civile planétaire »
qui entend redonner au monde un soupçon de démocratie et d’humanité : de plus en
plus de personnes se libèrent et se lèvent pour clamer et réclamer une autre
société, un autre système. Jean Ziegler leur rend hommage et invite à scruter
l’aube avec optimisme. Les nouveaux maîtres du monde ne sont pas encore maîtres
de tous les esprits...
Préface : l’histoire mondiale de mon âme
Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse du sous-développement sont la faim, la
soif, les épidémies et la guerre. Ils détruisent chaque année plus d’hommes, de
femmes et d’enfants que la boucherie de la Seconde Guerre mondiale pendant six
ans. […] Chaque jour sur la planète, environ 100 000 personnes meurent de faim
ou des suites immédiates de la faim (p13) Au stade atteint par ses moyens de
production agricole, la terre pourrait nourrir normalement 12 milliards d’êtres
humains (p15)
Commentaires du Mendiant : le problème ne vient donc pas de la surpopulation
mais de la surexploitation des faibles par les puissants.
Première partie : La mondialisation. Histoire et concepts
I. Une économie d’archipel
Dans leurs colonies d’outre-mer, les seigneurs ont pratiqué dès la fin du XV
siècle un pillage systématique. Celui-ci est au fondement de l’accumulation
primitive du capital dans les pays de l’Europe. Karl Marx écrit : « Le capital
arrive au monde suant le sang et la boue par tous les pores. » (p29) Le capital
en circulation lui-même est virtuel, actuellement dix-huit fois plus élevé que
la valeur de tous les biens et servies produits pendant une année et disponibles
sur la planète (p35) La réalité du monde mondialisé consiste en une succession
d’îlots de prospérité et de richesse, flottant dans un océan de peuples à
l’agonie. (p38)
Commentaires du Mendiant : Avec le réchauffement climatique, ces îlots
finiront-ils submergés ?
II. L’Empire
L’arrogance de l’empire américain est sans limite. Ecoutons sa proclamation : «
Nous sommes au centre et nous entendons y rester […]. Les Etats-Unis doivent
diriger le monde en portant le flambeau moral, politique et militaire du droit
et de la force, et servir d’exemple à tous les autres peuples. » Qui a dit cela
? […] L’auteur s’appelle Jesse Helms. De 1995 à 2001, il a présidé la commission
des Affaires étrangères du sénat américain (p44) « Comment faut-il comprendre
l’administration Bush ? » Sans hésiter une seconde, Normand me répondit : « It’s
oil and the military » (p49)
Commentaires du Mendiant : Et ils osent parler de moral ?
III. L’idéologie des maîtres
La naturalisation de l’économie est l’ultime ruse de l’idéologie néo-libérale.
(p69) En 2002, 20% de la population du monde accapare plus de 80% de ses
richesses, possède plus de 80% des voitures en circulation et consomme 60% de
l’énergie. Les autres, plus d’un milliard d’hommes, de femmes et d’enfants,
doivent se partager 1% du revenu mondial (p75) En 2001, un enfant mourrait
toutes les 30 secondes du paludisme (p76)
Commentaires du Mendiant : Le marché ou le système n’ont rien de naturel : ils
sont ce que les puissants décident d’en faire !
Deuxième partie : Les prédateurs
I. L’argent du sang
On connaît le mot de Chateaubriand : « Neutres sans les grandes révolutions des
Etats qui les environnaient, les Suisses s’enrichirent des malheurs d’autrui et
fondèrent une banque sur les calamités humaines. » L’oligarchie financière
règne, sans partage. Grâce à un système bancaire hypertrophié, grâce aussi à ces
institutions que sont le secret bancaire et le compte à numéro, cette oligarchie
fonctionne comme le receleur du système capitaliste mondial. (p100) Selon la
CNUCED, il existe 63 000 sociétés transnationales contrôlant 800 000 filiales
actives autour de la planète (p108) Jean-Jacques Rousseau : « Vous êtes perdus
si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne. »
(p115)
Commentaires du Mendiant : Le problème des prédateurs, c’est qu’ils ne font
davantage dans la psychopathie que dans la philosophie…
II. La mort de l’Etat
S’adressant aux dirigeants d’Etat rassemblés [lors du World Economic Forum de
Davos en février 1996], Tiermeier [le président de la Bundesbank allemande]
conclut son exhortation : « Désormais, vous êtes sous le contrôle des marchés
financiers ! » Applaudissements nourris. (p122)
Commentaires du Mendiant : Il y a effectivement de quoi se réjouir...
III. La destruction des hommes
Le système fonctionne à merveille : lorsque les jouets arrivent dans les
magasins de Berlin, de Paris, de Rome ou de Genève, les coûts salariaux
atteignent à peine 6% du prix de vente (p135) Pour les spéculateurs, la création
de centaines de milliers d’emplois tient du cauchemar. L’augmentation de la
consommation intérieure aussi. Elles annoncent toujours une possible reprise de
l’inflation, et l’augmentation probable des taux d’intérêt. Et par là, un
déplacement massif des capitaux spéculatifs du marché des actions vers le marché
monétaire, vers les obligations et les municipal bonds. […] Environ 1 000
milliards de dollars ont été échangés chaque jour ouvrable durant l’année 2001
[…] 87% du montant total relevant de la pure transaction monétaire, sans
création de valeur (p140)
Commentaires du Mendiant : Chez les esclavagistes, le travail n'a jamais été une
valeur très porteuse...
IV. La dévastation de la nature
V. La corruption
VI. Les paradis des pirates
Au sens littéral du terme, les prédateurs sont aujourd’hui en train de détruire
la planète (p149)
La Banque mondiale estime à plus de 80 milliards de dollars par an les sommes
affectées aux transactions de corruption (p151)
Pour la plupart des pirates, il est ontologiquement intolérable de payer des
impôts […] Le seigneur se regarde lui-même comme l’unique moteur de l’économie,
et considère les fonctionnaires de l’Etat comme des êtres inutiles, gaspilleurs,
improductifs, arrogants et pour tout dire : nuisibles (p168) Eckart Werthebach,
l’ancien chef du contre-espionnage allemand, constate : « Par sa puissance
financière gigantesque, la criminalité organisée influence secrètement toute
notre vie économique, l’ordre social, l’administration publique et la justice. »
(p174)
Commentaires du Mendiant : Ils pourraient au moins payer leurs impôts avec
l'argent de la corruption...
Troisième partie : Les mercenaires
I. L’OMC comme machine de guerre
A l’OMC, ce sont certes les représentants des Etats qui négocient, mais ils le
font de fait, la plupart du temps, au nom des sociétés transcontinentales qui
dominent leurs économies nationales respectives (p186) Susan George résume par
une jolie formule cette tare initiale de l’OMC. « La réalité du commerce actuel
s’explique ainsi : lorsqu’un produit arrive sur le marché, il a perdu tout
souvenir des abus dont il est la conséquence, tant sur le plan humain que sur
celui de la nature. » (p198) L’hémisphère sud abrite 87% des paysans du monde.
Les pays du Nord […] ferment leurs marchés aux produits agricoles et
agro-alimentaires du Sud (p201) Il faut donc d’urgence supprimer l’OMC.
Attac-France résume mon propos : « Du commerce : oui. Des règles : oui… mais
certainement pas celles de l’actuelle OMC. »
Commentaires du Mendiant : OMC = Omerta des Manipulations Commerciales
II. Un pianiste à la Banque mondiale
Mais beaucoup d’autres ONG sont d’origine et de composition ambiguës, douteuses,
et elles se conduisent parfois de manière franchement crapuleuse. C’est ainsi
que nombre d’entre elles procèdent des plus grandes sociétés capitalistes
transcontinentales, qui financent chacune une, deux, voire plusieurs ONG
qu’elles ont créées de toute pièces (p216) Les chances des Pygmées-Bagyeli face
à James Wolfensohn [pianiste et président de la Banque mondiale] et aux
pétroliers sont minces. D’astronomiques profits sont en jeu : les revenus des
dix ans à venir du bassin de Doba et de l’oléoduc sont estimés à plus de 10
milliards de dollars. Selon les contrats actuellement en vigueur, les trois
quarts de cette somme reviendront aux sociétés multinationales pétrolières
(p222)
Commentaires du Mendiant : C'est moins du piano que du pipeau!
III. Les pyromanes du FMI
Les privatisations sont au cœur du dogme des maîtres et de leurs mercenaires.
Chaque fois qu’un ministre quémandeur se rend à Washington pour obtenir une
rallonge de crédit, les charognards du FMI lui arrachent un nouveau lambeau de
l’industrie ou du secteur public de son pays (p235) Les mercenaires du FMI se
disent apolitiques. C’est un grossier mensonge. Dans la pratique, le FMI est en
effet au service direct et constant de la politique extérieure des Etats-Unis
(p241)
Commentaires du Mendiant : Pas besoin de l'intervention du FMI pour que des
gouvernements sacrifient les entreprises publiques sur l’autel du marché…
IV. Les populations non rentables
Or, ignorant superbement ces magnifiques traditions, les satrapes du FMI ont
imposé la privatisation de l’Office nationale vétérinaire du Niger (ONVN) et des
pharmacies vétérinaires publiques. Résultat ? […] tous les produits
pharmaceutiques vétérinaires sont maintenant vendus par des représentants locaux
de sociétés transnationales pharmaceutiques ou par des commerçants privés […]
les prix sont tels que la plupart des éleveurs ne peuvent les payer […] des
troupeaux entiers disparaissent […] des centaines de milliers de familles
d’éleveurs perdent leur gagne-pain et viennent grossir les masses miséreuses des
villes. Pourtant, même dans le malheur, les Nigériens conservent un grand sens
de l’humour : ils appellent les grandes banques créancières les « talibanques »,
et le dollar qui les terrorise le « mollah dollar »… (p251-252)
Commentaires du Mendiant : Mais que fait Brigitte Bardot ?
V. L’arrogance
Paul Valéry écrit : « Les faits ne pénètrent pas dans le monde où habitent les
croyances » Le fonctionnement mental des mercenaires […] constitue pour moi une
énigme inépuisable et passionnante. Contrairement aux prédateurs, leurs maîtres,
les mercenaires ne sont pas en premier lieu motivés par l’ivresse du pouvoir et
de la cupidité. Ce sont avant tout des intégristes de la doxa monétariste, des
idéologues, prisonniers d’une vision du monde et d’un modèle d’analyse qui font
d’eux les parfaits janissaires de l’empire américain (p269)
Commentaires du Mendiant : pour un peu, on les plaindrait…
Quatrième partie : Démocratiser le monde
I. L’espoir : la nouvelle société civile planétaire
II. Le principe de générosité
Le capitalisme contemporain est stupide et cynique, il a complètement oublié ses
origines protestantes. Il n’y a rien à attendre de lui. Il faut le combattre,
l’isoler et le disqualifier. (p278)
L’idéologie néo-libérale comble d’aise les nantis. Elle met leurs richesses en
sûreté (p285) En réalité, l’individu fabriqué par le capital mondialisé est
réduit à sa pure fonctionnalité. Il a l’impression d’être libre parce qu’il ne
peut reconnaître, dans le dédale des déterminismes marchands qui s’exercent sur
lui, l’aliénation qui le gouverne et qui le prive de son individualité […] Plus
intense est l’intérêt que l’individu témoigne aux objets, plus ces objets le
domineront, plus son esprit sera transformé en un automate de la raison
formalisée (p294)
Commentaires du Mendiant : Le Mendiant, comme le philosophe cynique, ne possède
rien et est donc libre !
III. Les fronts de résistance
A la grande manifestation contre le Sommet du G-8 à Gênes, en juillet 2001, les
200 000 participants représentaient plus de 800 mouvements populaires, syndicats
et ONG différents, venus de 82 pays.
Commentaire du Mendiant : la plus grande force d’action pour changer le système,
ce sont les consommACTEURS !
IV. Les armes de la lutte
Noam Chomsky […] évoque les trois formes qu’a successivement commues le pouvoir
totalitaire aux XX et XXI siècles : le bolchevisme, le nazisme et le TINA. TINA
est l’abréviation anglaise pour There is no alternative (« Il n’y a pas
d’alternative »). Le pouvoir du TINA est au fondement de l’empire des
prédateurs. Pour Chomsky, l’énoncé fondateur du TINA est le suivant : « Il n’y a
pas d’alternative au système émergeant du mercantilisme mis en place par les
entreprises s’appuyant sur l’Etat et décliné à l’aide de différents mantra tels
mondialisation et libre-échange. » A l’opposé du TINA, il y a la revendication
de l’impératif moral qui sommeille en chacun de nous. L’homme est le seul sujet
de l’histoire. De son histoire propre comme de l’histoire du monde. (p315)
Commentaires du Mendiant : Les victimes du TINA sont plus éloignées et plus
discrètes que sous les autres dictatures...
V. La terre et la liberté
En guise de conclusion : L’aube
« Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres » (Georges Bernanos) (p349) J’ai
fréquemment, dans ce livre, recouru à l’expression « capitalisme de la jungle ».
Lorsque les fonctions normatives de l’Etat sont paralysées et que s’affirme le
capital financier, la société elle-même se défait, la jungle menace. Une
régression se produit : le gladiateur devient la figure emblématique du modèle
social dominant. Le fort a raison, le faible a tort. Toute défaite est méritée
et ne trouve son explication que dans les faiblesses du sujet défait lui-même.
Les principes fondateurs de la doxa néo-libérale […] contredisent radicalement
toutes les valeurs héritées du siècle des Lumières. Or, ces valeurs constituent
le fondement de la civilisation européenne (p352) A l’intérieur de chaque pays
du monde et conformément aux règles fixées par l’OMC, chaque entreprise
transnationale peut exiger de bénéficier du « traitement national élargi ». […]
Interdiction est faite à tout gouvernement de favoriser […] tel ou tel secteur
particulier de son économie nationale. Mener une politique économique nationale
n’est donc plus possible. (p355) La souveraineté conquise par les « gigantesques
personnes immortelles » […] s’impose par la violence. Elle n’a que faire des
droits de l’homme, des libertés publiques, de l’autonomie des citoyens. Elle
engendre l’aliénation et l’esclavage. (p356) Franz Hinkelhammert écrit : « Qui
ne veut pas créer le ciel sur terre y crée l’enfer. » (p358)
Commentaires du Mendiant: « Il est évident que la loi de la jungle plaît aux
puissants : soit j’y arrive et je deviens plus performant, plus riche et plus
consommateur, soit je n’y arrive pas et je deviens alors frustré, mais tout
autant consommateur afin d’oublier mes frustrations. » (La bibliothécaire)
Cette page n'a pas vocation à remplacer la lecture du livre mais au contraire à
en encourager la lecture et la diffusion. Les passages (subjectivement) jugés
les plus représentatifs ont été retranscrits ici mais il y en a de multiples
autres! A vous de les découvrir...
Sens du Tao, Mendiant, Contes à rebours, Contentement
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