1,2 milliard de martiens: les
vrais chinois par l'auteur du
Mendiant
Ce livre traite des chinois :
de leurs coutumes, de leurs modes de vie, de leurs différences. Qu'est-ce-qui
fait de la Chine un monde à part ? Un essai sarcastique sur les chinois au
quotidien...
1,2 milliard de martiens
十二亿火星人
par Benoît Saint Girons
2004
► Présentation ► Sommaire ► Avertissements et opinions
► Extraits ► Où se le procurer
FORMAT EBOOK !
2,99 €
PRESENTATION
Ce livre est le fruit de frustrations, d'amusements, d'énervements,
d'incompréhensions,... de tous les sentiments contradictoires et parfois
violents qui guettent l'occidental en séjour en Chine. Ce livre, tous les
voyageurs ayant vécu au contact des "vrais" chinois (j'entends par là faire la
distinction entre les chinois des campagnes et les officiels des bureaux,
Ministères et autres ambassades) ont sans doute un jour rêvé de l'écrire... ou
de le voir écrit. Ce livre est direct, cynique, sarcastique, ironique toujours,
exagéré souvent, méchant parfois. Ce livre traite des chinois : de leurs
coutumes, de leurs modes de vie mais surtout de leurs différences. Qu'est-ce-qui
fait de la Chine un monde à part assimilable à une autre planète ?
Bienvenu sur la planète rouge ! Que tous les voyageurs veuillent bien s'assurer
qu'ils n'ont pas oublié leur sens de l'humour avant de débarquer : la visite est
placée sous le signe du pamphlet. Du moins en première partie. N'ayant pas
trouvé de pseudonyme satisfaisant et désireux de retourner en Chine, j'ai en
effet pris le parti de placer un garde fou en parallèle à mes "provocations".
Rédigés avec soin par mes soins, ces paragraphes intitulés "Plus sérieusement”
tentent, lorsque c'est possible, de "rendre justice" aux chinois, d'arrondir un
peu les angles des pavés lancés dans la mare voire de rectifier le tir. Bref :
d'ajouter un peu de perspectives à mes caricatures. Car, cela va de soi, nous
sommes tous les martiens de quelqu'un d'autre !
SOMMAIRE
Chap 1 : La Civilisation du bruit
Chap 2 : La fenêtre poubelle
Chap 3 : La toilette des blanchisseurs
Chap 4 : Dégoût et des couleurs
Chap 5 : L'impolitesse des rois
Chap 6 : Le Ying et le Yang
Chap 7 : Je mange, donc je suis
Chap 8 : Une vie de chien
Chap 9 : La monnaie du peuple...
Chap 10 : ...n'a pas d'odeur
Chap 11 : L'ami de l'extérieur
Chap 12 : Classe tourisme
Chap 13 : Shaolin, un mauvais Disneyland?
Conclusion : Des Terriens bien sympathiques
Ce livre est paru en Chine aux Editions CFP en 2004
AVERTISSEMENTS ET OPINIONS
Ce livre m'a valu quelques insultes. Mais comme ces personnes n'avaient jamais
mis les pieds en Chine, je ne me suis pas senti trop visé...
A des personnes non initiées à la Chine, mon essai peut évidemment sembler
exagéré. C'est que dans l'imagerie occidentale, les chinois sont encore trop
souvent confondus avec des japonais, c'est à dire avec des personnes extrêmement
policées. Et bien non! Les chinois, ne sont pas de vieux sages confucéens! D'un
autre côté, ce ne sont pas non plus des barbares sanguinaires... Comme je le dis
en conclusion, si les chinois sont des martiens, ce sont des martiens qui nous
ressemblent, et qui sont finalement bien sympathiques!
La publication de mon essai en Chine (en parallèle à un essai de Zhai Hua sur
les français) est la meilleur preuve de sa "justesse": les chinois qui l'ont lu
ont trouvé qu'il reflétait la réalité. Certains pensaient d'ailleurs qu'il avait
été écrit par un chinois... Mais c'est sur la toile chinoise qu'il fait le plus
parler de lui puisque plus de 4 000 pages google y font référence! (vous pouvez
vérifier en tapant 十二亿火星人)
J'ai également reçus quelques emails de voyageurs ou d'expatriés en Chine.
Quelques témoignages significatifs:
« Génial! Merci, merci, merci pour ce petit livre sur les chinois au quotidien.
Ecrit avec humour, ces quelques lignes pleines de vie et de joie nous
transportent directement au coeur de la chine et/ou au coeur des chinois. A
l'heure ou il est presque tabou de clamer qu'on aime la Chine et les Chinois, ce
livre est une ode intelligente a ce pays et à ces habitants. Dommage que seuls,
les sinophiles déjà convaincus auront envie de l'acheter, car pour quiconque à
une once de curiosité et d'ouverture d'esprit, ce livre est un pur régal, tant
dans sa forme que dans son fond. Bref, je n'ai pas aimé ce livre...je l'ai ADORE
! Je le recommande chaleureusement à tout ceux qui s'interresse à la Chine et
aux Chinois.
Il me restera longtemps en tête l’anecdote du chien gueulant à la lune que sa
propriétaire ne peut faire taire, car il faudrait lui expliquer qu'il gêne le
voisin, mais le chien...Ne parle pas Chinois! » (Le S. Olga, Decembre 2012, sur
Amazon.fr)
« Fan Zhao, 18 ans, d'origine chinoise mais ayant toujours vécu en France [...]
Je tenais à vous faire part de mon admiration [...] Jamais je n'avais senti chez
un occidental une telle compréhension de mon peuple que la vôtre. Là où les
autres ne voyaient que du dégoût ou de la méprise, vous avez tenu à comprendre
et su en parler avec tact. Je me suis beaucoup amusé à lire votre oeuvre, je
vous en remercie. Je ne sais pas si au jour d'aujourd'hui vous avez réussi à
trouver un éditeur mais en tout cas vous avez eu raison de le laisser inchangé.
J'espère de tout coeur que le livre verra le jour et si c'est le cas je ferai
parti des premiers acheteurs.» (Fan Zhao)
« Je suis tombée par hasard sur votre essai. Je vis en Chine actuellement, c'est
ici mon deuxième séjour [...] J'ai vraiment adoré votre essai, tellement vrai,
les mots et les expressions sont vraiment bien choisis. J'ai aussi appris pas
mal de trucs [...] Merci de m'avoir fait passer un bon moment et de m'avoir fait
rire » (Aude)
«Je suis en train de lire ton essai. Humour et légèreté mais surtout tellement
vrai! Je suis à Shanghai depuis 6 mois et j'ai voyagé 1 mois à travers la Chine
et je trouve que tu exprimes avec brio ce que peut ressentir tout occidental
expatrié en Chine. Merci de trouver les bons mots pour nous! » (Gaël)
«Ton texte sur la chine est très sympa ,je n'ai pas pu m'empêcher de rire à de
multiples reprises. Ma mère est d'origine chinoise et j'y suis retournée
plusieurs fois et j'ai habité là bas. C'est vrai que l'importance qu'ils
accordent à "la face" , à l'argent et leur coté pudibond est étonnant ! [...] »
(Zoe)
«Votre description de la vie quotidienne en Chine est ultra passionnante par son
côté concret.» (Pascale)
EXTRAITS
► Avant-propos
► La civilisation du bruit ► L'impolitesse des rois
Avant-propos
[...]
Le lecteur ne se méprendra donc pas sur mes intentions. Au delà d'un style
volontairement coloré, l'objet de cet ouvrage n'est ni de "casser" du chinois,
ni de démontrer à nouveau à quel point nous français nous estimons "supérieur".
J'aime la Chine et j'aime les chinois... même si je suis en général aussi
content de la/les quitter que de la/les retrouver. J'ai également beaucoup de
respect pour la culture chinoise. Au passé : voilà un peuple qui a quasiment
tout inventé : de l'imprimerie à la boussole en passant par les cerfs-volants,
la civilisation est ce qu'elle est grâce à la Chine. Au présent : des
arts-martiaux à la médecine douce en passant par les penjing (“paysage dans un
pot”, plus connus sous le nom de “bonsaï”), nous avons encore beaucoup à
apprendre des chinois.
[...]
Je souhaite aussi par avance m'excuser auprès des lecteurs chinois : il est
possible qu'ils ne se reconnaissent pas tous dans mes portraits au vitriol. Ce
livre traite en effet du général et non du particulier : de la Chine à Hong Kong
en passant par Taiwan, Singapour ou les pays de la diaspora, de Pékin à Canton
en passant par Shanghai ou Ürümqi, des villes aux campagnes en passant par les
autoroutes, des Han aux quelques 55 minorités nationales (80 millions de chinois
s'opposent en fait plus ou moins ouvertement à la culture chinoise des Han), il
n'y a pas un mais des chinois. Beaucoup de chinois. Dans cet ouvrage et sauf
indication contraire, le terme chinois désignera donc un Han de la République
Populaire de Chine vivant, comme 80% de ses compatriotes, à la campagne. Mais, à
l'inverse, de nombreux "non-chinois" sont susceptibles (tant qu'ils ne sont pas
rancuniers !) de rentrer dans mon cahier de doléances : le bruit et les papiers
gras sont par exemple le lot commun de presque tous les pays en développement.
La Chine a toujours été source d'inspiration...
Une dernière remarque avant d'entrer dans le vif du sujet : j'ai, cela va de
soi, un respect immodéré pour nos amis Martiens. S'ils existent, ils peuvent
probablement nous enseigner beaucoup de choses. Et s'ils n'existent pas, et bien
disons alors que je viens, en toute modestie, de les inventer !
Chap N°1: La Civilisation du Bruit
Si en Occident le silence est d'or ou de plomb il est, dans la stratosphère
chinoises, de bien moindre valeur. Car s'il était d'or, le chinois serait le
plus calme et le plus silencieux des hommes. Et s'il était de plomb, il aurait
déjà trouvé le moyen de le transformer en or...
Le chinois est bruyant. Viscéralement. Naturellement. Gentiment. Le fait de
vivre entassés les uns sur les autres aurait pu les conduire à édicter des
règles draconiennes de contrôle du niveau sonore. Des camps de rééducation pour
ronfleurs aux exécutions par Karaoke, les moyens étaient vastes. Ils ont préféré
une autre voix/voie : couvrir le vacarme du voisin en faisant plus de boucan que
lui ! Le premier chinois à faire du bruit n'est pas resté dans l'histoire mais
il n'a pas tardé à être copié !
Pris dans l'engrenage du "toujours plus fort", emporté par un puissant besoin
d'émulation, poussé par l'orgueil chinois à faire pire que son voisin, les
chinois ont perfectionné et enrichi leur panoplie de techniques, inventant au
passage le pétard et la poudre à canons. Le calme et le silence sont de toute
évidence insupportables pour les oreilles chinoises. Un chinois partira donc se
promener dans la montagne avec un énorme transistor et il s'évertuera à donner
au lever du soleil plus d'éclat (de voix) en rajoutant une bande son en version
originale : “Aaah ! Oooh ! Khaan !” (hao kan, joli). Ce jour là, sur la montagne
bouddhiste Emeishan, à 3099 mètres d'altitude, le soleil eu tellement peur qu'il
resta caché derrière les nuages...
Le chinois n'a intrinsèquement besoin d'aucun accessoire pour faire du bruit :
une paire de cordes vocales suffit en général à satisfaire ses besoins vitaux.
Son utilisation n'est toutefois pas la même selon les régions : le chinois
compte 6 dialectes majeurs en dehors du mandarin et une multitude de variations
locales. Parmi ces premiers, le cantonais du sud de la Chine et de Hong Kong
décroche facilement le Trophée Quies de la langue la plus assourdissante : on ne
parle pas le cantonais; on l'aboie ! De fait, dans les restaurants de Hong Kong,
le téléphone portable semble indispensable pour communiquer avec la personne
assise en face de soi et les annonces par haut parleur n'ont rien à envier aux
messages des halls de gare parisiens : “Le chien tatoué X347 à destination de la
table 21 partira de la cuisine centrale à 12h03...”
Tous les chinois n'ont évidemment pas la chance d'habiter plein sud et de
pouvoir pratiquer ce genre de cannibalisme culturel. Le "parler-chien" est
néanmoins utilisé à l'échelon national pour signifier un certain agacement ou
exprimer son mécontentement. Le responsable des bains publics d'une des écoles
de Kung Fu de Shaolin était, avec son épouse, particulièrement doué pour ce
genre de métamorphoses. Au lieu d'expliquer calmement son point de vue, il
montrait les dents et se lançait dans une série de jappements hargneux. -
“Excusez-moi mais je ne parle pas chien”. Logique redoublement des
injonctions... Au bout d'un moment, après avoir rongé son os, il finissait
toutefois par retrouver figure humaine... jusqu'à la prochaine crise.
Compatissons : il a de toute évidence été lui aussi mordu par un chien
radioactif exposé à une trop forte dose de rayons gamma. Une vraie épidémie...
L'égalité devant le bruit, n'en déplaise à 50 années de régime communiste, n'est
pas non plus la même selon les revenus. Les plus riches chinois font égoïstement
du bruit en famille ou entre amis : la prospérité permet l'isolement. Les
classes moyennes, plus généreuses, font bénéficier leurs voisins de leur
télévision ou de leur machine à Karaoke dès le soir venu. Malheureusement, leurs
revenus ne leur permettent pas encore de s'offrir des cours de chants mais,
comme on dit, c'est l'intention qui compte. La Chine ne sera économiquement
développée que lorsque tous les foyers seront équipés d'un Karaoke. Et lorsque
la Chine s'époumonera, le monde tremblera ! En attendant ce jour, les pauvres
chinois participent également, à leur faible échelle, au vacarme général : en
ville, un marteau et un clou feront l'affaire; à la campagne, un chien sera plus
commode.
Mes voisins à Shaolin étaient des gens charmants. Leur chien n'était pas moins
adorable. Ce dernier, tous les soirs, s'évertuait à me rappeler que j'étais en
Chine. Au bout de deux semaines, n'y tenant plus, je décidais d'aller me
présenter à ses soins. Surprise ! Il ne s'agissait pas d'un chien errant comme
je l'avais d'abord imaginé : c'est sur le toit d'une maison qu'il faisait ses
vocalises. Discussion avec les propriétaires, un couple de vieux chinois : -
“Peut-être pourriez-vous expliquer à votre chien qu'il est ridicule d'aboyer
après les étoiles ?” - “Mais, me répond tristement la vieille femme, c'est
impossible, il ne parle pas le chinois !” Encore heureux pensais-je : s'il
aboyait du chinois, ce serait tout simplement insupportable... Maintenant que
faire ? Demander à ces braves gens de frapper leur bête parce qu'il fait du
bruit ? Et pourquoi pas appeler le réparateur parce que le Karaoke abuse des
décibels ! Ou encore lui demander d'inspecter les haut-parleurs sur le toit d'un
autre voisin : du bruit en sort dès que ce dernier branche sa chaîne "hi-fi" !
Soyons sérieux ! Faire l'animation du village est le devoir sacré de tout
chinois normalement constitué. De fait, le chien n'est pas véritablement
responsable : il ne fait que suivre la voix/voie de son maître, il obéit aux
directives... Je fis donc mes adieux et, stimulé par les aboiements, commençai
la rédaction de cet ouvrage.
Le bruit ne gêne que ceux qui n'en font pas et les chinois sont, de ce point de
vue là, depuis longtemps immunisés. Les bouchons d'oreilles les laissent
perplexes. - “A quoi cela sert-il ?” - “A rendre la Chine plus calme” - “Hein
?!?!” Il est vrai que nos accessoires d'occidentaux se révèlent bien inefficaces
face à l'expertise chinoise. Cette nuit là, je les avais pourtant mis et, ma
foi, avais trouvé rapidement le sommeil. Il faut dire que j'étais seul dans la
cabine du bateau assurant en trois jours la descente du Yangzi, depuis la ville
de Chongqing, pour la curiosité de 800 chinois et d'un français égaré. Les
chinois étaient partis en excursion et, sans les chinois, la Chine est calme.
Tremblement de terre vers 1h du matin : mes 10 colocataires reprennent
possession de notre placard à 8 lits (sur deux niveaux). La visite leur a
apparemment plu et les enfants ne sont pas les derniers à manifester leur
enthousiasme. Mais pour moi qui étais sous les cocotiers, le réveil est pénible.
Bienvenu en Chine ! Je décide alors moi aussi de participer à la fiesta et me
mets à hurler le premier couplet de notre bonne vieille Marseillaise. Miracle !
Notre hymne guerrier est efficace : les chinois se taisent, tétanisés d'effroi.
Ils voyagent en compagnie d'un fou furieux ! On leur avait dit que les étrangers
étaient bizarres mais à ce point ! Mieux vaut ne pas trop le déranger. Faîtes
attention les enfants...
Le bruit est, dans le dictionnaire chinois, associé à la voix (zaosheng,
caozasheng). C'est tout à fait logique. D'une part parce que la voix est
effectivement souvent bruyante et, d'autre part, parce qu'à l'époque de la
formation des idéogrammes, les Klaxons de voiture n'existaient pas. C'est
apparemment un point commun à tous les pays d'Asie en développement : construire
la voiture autour du Klaxon. S'il fonctionne, tout fonctionne. Conduire, c'est
en effet klaxonner et apprendre à conduire, c'est apprendre à klaxonner à bon
escient... c'est à dire n'importe quand ! Les chinois ne klaxonnent pas comme en
occident pour réveiller les chauffeurs endormis ou insulter les chauffards mais
plutôt pour prévenir de leur arrivée. Deux traductions possibles : “Attention,
poussez-vous, j'arrive !” (lorsqu'il y a quelqu'un sur la route) ou bien
“Regardez tous ma belle voiture !” (lorsque la route est déserte). Nul doute que
dans quelques années, lorsque la voiture ne sera plus réservée à une élite, les
grammairiens se pencheront à nouveau sur le dictionnaire...
[...]
Chap N°5: L'impolitesse des rois
- “Merci” dit le petit garçon à sa mère qui lui donne un bonbon.
- “Ne sois pas poli !” lui rétorque-t-elle en souriant.
Le "de rien" local signifie en effet en chinois “ne soit pas poli”, “pas la
peine d'être poli” ou encore “impoli” (biekeqi / bu yong keqi / bukeqi). Elevés
avec ce genre de répliques, il n'est pas étonnant qu'ils aient perdu le sens des
civilités. “Ne sois pas poli ?” Pas de problème ! Les chinois suivent dorénavant
le conseil à la lettre. Certains mots du dictionnaire chinois semblent ainsi
réservés à l'usage exclusifs des occidentaux : qui oserait remercier une
caissière dans un magasin à part un occidental ? Qui aurait l'outrecuidance de
dire bonjour à la vendeuse de billet de train à l'exception d'un étranger
fraîchement débarqué ? “Bonjour”, “Excusez-moi”, “S'il-vous-plaît”, “Merci”. Ces
mots aident les aveugles chinois à repérer au loin les non-compatriotes...
Les chinois disent d'un homme impoli qu'il ne “comprend pas les bonnes manières”
(bu dong limao). C'est un scoop ! Il y aurait donc de bonnes manières en Chine !
Quelles sont-elles ? Je ne l'ai pas encore très bien compris... Tout au plus
puis-je dresser la liste de ce que les bonnes manières ne sauraient être sous
peine de devoir dire que les chinois sont impolis :
Comme nous l'avons vu précédemment, ce n'est pas respecter le sommeil des autres
ou le silence ambiant (rare, il est vrai), remporter avec soi ses papiers gras
ou les mettre dans une poubelle (rare, il est vrai), respecter la différence
physique chez les autres (rare, il est vrai) ou, comme nous venons de le voir,
être courtois envers ses concitoyens (nombreux, il faut l'avouer). Ce n'est pas
non plus se tenir "correctement" ou, comme nous le verrons, manger proprement et
calmement.
Les bonnes manières chinoises n'incluent pas non plus le fait d'attendre son
tour pour monter dans le bus ou acheter son billet de train. Si le rugby se
jouait dans les autobus, les chinois seraient à coup sûr les champions du
Tournoi des Cinq Stations. Les places sont en effet réservées en priorité à ceux
qui piétinent le plus de monde ! Et il y a de la concurrence ! Les hauts
parleurs du métro de Hong Kong ont beau répéter à chaque station qu'il faut
“laisser les passagers descendre avant de monter dans le wagon”, rien n'y fait.
Atteindre le quai suppose toujours de prendre son élan et de foncer tête baissée
dans le pack chinois qui arrive à contre sens. Heureusement, les chinois n'ont
pas la constitution des équipes occidentales...
La politesse chinoise ne passe pas, enfin, par la prise de conscience de
l'autre. Si je regarde une télé dans un magasin ou un spectacle de rue, il y
aura toujours un chinois pour se planter juste devant moi. Si je suis un
programme télévisuel quelconque, il y aura nécessairement un chinois pour
changer de chaîne ou encore couper le son afin de pouvoir continuer à hurler
sans bruits parasites. Si je regarde quelque chose, un livre ou des photos, il y
aura naturellement un chinois pour me les prendre des mains. Si je laisse mon
bâton de Kung Fu à l'école, il y aura évidemment un élève pour se l'approprier.
Et si je sors de ma chambre d'hôtel, il y aura de toute évidence un chinois pour
m'envoyer sa fumée de cigarette dans le nez...
Devinette : vous êtes un chinois et vous faites votre pèlerinage hebdomadaire
aux bains publics. Deux salles de bain. La première inoccupée et ouverte. La
seconde occupée par un étranger et fermée. Laquelle choisissez-vous? Je vous
donne un indice : vous allez entrer sans frapper en passant par la fenêtre. Eh
oui ! “Demander la permission de” n'a pas encore été traduit en chinois !
Alors que reste-t-il ? Posons la question directement aux intéressés : -
“Qu'est-ce qu'être poli ?” - “C'est dire bonjour, au revoir, veuillez entrer,
veuillez-vous asseoir,...” - “Mais ces expressions sont très rarement employées
lorsque vous ne conversez pas avec des étrangers. Il doit bien y avoir autre
chose ?” - “Non, c'est à peu près tout : notre code de conduite est assez limité
” Si c'est un chinois qui le dit...
Un détour par le dictionnaire peut néanmoins nous aider à comprendre. Les
"bonnes manières" (limao) sont formées de deux caractères : l'un désigne le
rite, les étiquettes, les manières; l'autre, l'apparence, le "look". Etre poli,
c'est donc respecter en apparence les rites chinois. L'un de ces rites veut,
comme nous l'avons vu, que les vêtements soient propres. Il serait donc impoli
de se présenter à une séance de Kung Fu où l'on se roule par terre avec une
casquette sale. Et puis, il y a bien évidemment la fameuse notion de face : “
L'arbre a son écorce, l'homme a sa face !” dit le proverbe. Faire perdre la face
à quelqu'un est agréable mais pas très courtois. La politesse passe donc par le
respect de l'individualisme d'autrui, dans tous ses excès. Aller dire à
quelqu'un qu'il fait trop de bruit est ainsi une démarche complètement farfelue
qui souligne ce que l'on est : un barbare d'occidental. Empêcher quelqu'un de
fumer ou de jeter ses papiers est également ressenti comme une atteinte à la vie
privée. De même, dire à quelqu'un que l'on est pas satisfait, critiquer
ouvertement, ne résoudra pas le problème mais fera passer pour un rustre.
Il y a également des choses à ne pas dire ou à ne pas faire. Demander son chemin
à quelqu'un qui ne sait pas est doublement ennuyeux. Le chinois ne voulant pas
perdre la face retournera la carte dans tous les sens et donnera une direction
au hasard. Dire que l'on ne sait pas, c'est manquer de politesse envers
soi-même. Lorsqu'un chinois propose une cigarette, c'est à dire chaque fois
qu'il rencontre quelqu'un, le refus poli se traduit par “je ne sais pas fumer”
(wo bu hui chou yan). Dire comme je le fais de temps en temps : “Je ne fume pas,
c'est mauvais pour la santé” est bien sûr insultant. Enfin, n'expérimentez pas
comme moi un “Madame, vous avez mal dormi, vous devriez changer de literie” :
les chinois ne sont de toute évidence pas familiers avec ce slogan publicitaire
et n'apprécient guère que l'on pénètre ainsi dans leur chambre à coucher sans
uniforme de police.
Accident de vélo à Suzhou : je roulais à vitesse européenne et avais eu la
mauvaise idée de dépasser par la droite au moment où un chinois entamait une
série de zigzags. Accrochage sans gravité sinon un léger saignement au bras du
chinois. Plus de peur que de mal. La lutte pour ne pas perdre la face pouvait
commencer. Côté chinois : cris, injures, trépidations, mouvements
d'intimidations,... Côté étranger : j'assiste au spectacle en rigolant. Côté
chinois : me voyant rigoler, redoublement des cris, injures et trépidations.
Côté étranger : encore plus drôle ! Mais voilà qu'il entreprend de s'essuyer le
bras sur moi. La plaisanterie a assez durée : s'il veut vraiment un constat à
l'amiable, il va l'avoir ! Les spectateurs se réjouissent : il va y avoir du
sport ! Et bien finalement non : mon partenaire de scène reprend son vélo et
s'éloigne en zigzaguant. Il a suffisamment manifesté son mécontentement pour ne
pas perdre la face au yeux de ses compatriotes. Son honneur est sauf. Si j'avais
été chinois, les choses auraient sans douté été plus compliquées : il serait
peut-être revenu à la charge plusieurs minutes plus tard armé d'un bâton, à
l'instar d'une scène de rue à Shanghai entre un conducteur de camion et un
conducteur de tricycle. Face contre face, l'escalade de la violence est
inéluctable. Mais c'est heureusement bien souvent du catch et les coups sont
plus spectaculaires que douloureux. Perdre la face n'est pas la même chose que
détruire la face à coups de poing...
S'il est déconseillé de faire perdre la face à un chinois, il est également
grossier de ne pas "donner de face" lorsque l'occasion se présente. Cela passe
par les compliments - auxquels les chinois répondront par un “mais non, ce n'est
pas vrai” de principe, - les invitations au restaurant ou encore le fait
d'arriver à l'heure ou de raccompagner son hôte jusqu'à sa voiture, son vélo ou
son ascenseur. L'arrogance ou la vantardise sont très mal perçus : un chinois,
quelque soit ses mérites, dira toujours, par exemple, qu'il a encore “un long
chemin à parcourir”. Il ne se mettra pas en avant mais attendra de ses relations
qu'elles lui témoignent un respect discret en récompense de sa modestie. Par de
douces paroles (les chinois complimentent bien davantage qu'ils n'injurient),
mais surtout par des actes. La face se construit à coups d'invitations à
déjeuner ou de soirées Karaoke. De manière plus insidieuse, par l'indulgence des
officiels devant la faute commise ou l'accélération des procédures
administratives.
Il n'y a pas de classes sociales en Chine mais des "faces" plus ou moins
importantes avec leurs cortèges de passes droits et de dérogations. Lin Yutang
cite l'exemple de deux soldats voyageant sur le Yangzi qui s'autorisèrent à
entrer dans une cabine "interdite d'accès" car remplies de caisses de soufre.
Ils s'installèrent sur ces caisses et commencèrent à fumer, en dépit des
remontrances d'un officiel. Le bateau explosa et, comme le dît l'auteur “les
soldats réussirent à sauver leurs faces mais non leurs carcasses carbonisées”.
Lorsqu'un chinois allume aujourd'hui une cigarette devant un panneau
"interdiction de fumer", grille un feu rouge ou passe devant tout le monde, il
se donne de la face. S'il doit éteindre sa cigarette, est verbalisé ou repoussé
sans ménagement par un officiel, il en perd. Unique alternative pour rétablir
l'équilibre : rallumer la cigarette, griller un autre feu ou revenir à la charge
une fois l'officiel parti. Un chinois ne dira jamais qu'il est important mais il
le démontrera peut être à coups d'actes anti-civiques. L'individualisme chinois
est donc la composante de deux facteurs plus ou moins inconscients : un
comportement "naturel" taoïste, d'une part, une manifestation de la "face",
d'autre part. D'un côté, le chinois agit selon ses instincts et les règlements
sont ressentis comme une atteinte à sa vie privée et son idéal anarchique. De
l'autre, il s'octroie des droits et les interdictions sont interprétées comme
étant l'occasion de faire preuve de politesse envers soi-même. Ignorer les codes
ou se les approprier : les routes en Chine ne sont pas prêtes d'être sures...
[...]
OÙ SE LE PROCURER
Si vous lisez le chinois, en Chine!
Sinon, en français sur n'importe quelle liseuse ou écran
De larges extraits se trouvent également sur le site de voyage
www.passplanet.com
Ebook : lecture sur Kindle ou Ecran classique
Histoire
Auteur
Philosophie
Ras-le-bol
Livre Bleu
Bibliothèque
Rencontre
© Textes et Photos Copyrights Benoît Saint Girons / Toute reproduction interdite
sans accord préalable.