L'imposture du bien-être
Être, par-delà le bien et le mal

Janvier 2018

    

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Extraits    Où se le procurer

 

PRESENTATION

Et si nous nous trompions complètement d'approche ? Et si le bien-être était un concept globalement malsain voire malfaisant ?

Sommes-nous vraiment plus heureux depuis que nous sommes cernés par le bien-être ?

L'être ne se suffit plus à lui-même. Il lui faut désormais du bien, des biens. Polyvalent, le bien-être est devenu le remède de la vie moderne, la petite pilule qui permet d'oublier la pesanteur du présent, de s'oublier un instant... jusqu'à la prochaine crise.

Entre la superficialité des remèdes et les erreurs de diagnostic, de posologie ou d'utilisation, les déçus sont pourtant la norme et garantissent la pérennité du mal-être... et du business du bien-être ! Car entre la tyrannie de l'apparence pour avoir l'air bien (sous tous rapports) ou la vision binaire du bien contre le mal, les impostures sont omniprésentes.

Or, plutôt que de paraître, il faudra bien un jour finir par être pour atteindre le contentement et un véritable épanouissement personnel.

Cofondateur d'un centre de bien-être à Genève en 2002, l'auteur est bien placé pour mettre en cause une approche aussi superficielle que délétère. Il livre ici le fruit de son expérience et dresse au passage le portrait de ces acteurs du bien-être qui n'y arrivent pas non plus...

 

 

SOMMAIRE

1. Bien-être dans le moule.
Les manipulations du système.
* Portrait : un con descendant

2. Le bien (être) de CONsommation courante
Bien-être ou bien avoir ?
* Portrait : les experts en bien-être

3. Avoir l’air bien (sous tous rapports)
La civilisation des impostures.
* Portrait : des thérapeutes en thérapies

4. La malédiction du bien-être
La vision binaire du bien contre le mal
* Portrait : les naufragés du bien-être

5. Bien-être (et naître) en vie
De la naissance de l’être à l’ego
* Portrait : les crèches délétères
 

 

EXTRAITS

Avant-propos    Bien-être dans le moule
Le bien (être) de consommation courante   Avoir l'air bien (sous tous rapports)
 

Avant-propos

– Bonjour, je voudrais du bien-être s’il vous plait.
– Mais bien sûr, quelle qualité désirez-vous ? J’ai là un nouvel arrivage de bien-être chinois à un prix défiant toute concurrence. A moins que vous ne visiez la qualité bien de chez-nous ? La nouvelle collection printemps-automne vient justement de sortir…


– Cher Magazine, je ne suis pas bien dans ma vie. Que puis-je faire ?
– Chère lectrice : cette question, vous êtes nombreux à vous la poser et la réponse tient en trois mots : cure de bien-être ! Notre dossier spécial de ce mois-ci vous donnera toutes les adresses et tous les conseils pratiques pour bien naître, bien grandir, bien manger, bien maigrir, bien jouir, bien vieillir et bien mourir.

– Vite, c’est urgent, il me faut du bien-être !
– C’est bien naturel. Pour quelle problématique vous le faut-il ? Mal-être passager, problème de santé, trouble psychologique ou simple désir de confort ? Nous avons du bien-être pour faire face à tous les maux !


– Monsieur, c’est un scandale, mon bien-être est tombé en panne après juste quelques heures d’utilisation !
– Voyons voir cela… Oui, en effet, il ne marche plus… Êtes-vous sûr d’avoir bien respecté le mode d’emploi, de vous être donné suffisamment de mal ?

Ces dialogues surréalistes illustrent quelques unes de problématiques soulevées par le bien-être de consommation courante.

Le bien-être est tout d’abord, ne l’oublions pas, l’accroche marketing la plus universellement utilisée par les industriels et leurs complices publicitaires : quelque soit le produit ou le service et à défaut de pouvoir décemment promettre le bonheur, on vous fera miroiter du bien-être! [...]

Mais le bien-être existe aussi en version propre et se déclinera alors à toutes les sauces, des moins légères aux plus salissantes. Il existe des centres de bien-être, des restaurants bien-être, des associations bien-être, des éditeurs bien-être, des contrats bien-être , des gadgets bien-être, des experts en bien-être et bien évidemment des formations en bien-être. Qu’autant de personnes soient toujours dans le mal-être dépasse donc l’entendement : ils le font exprès ou quoi ?

L’être ne se suffit de toute évidence plus à lui-même. Il lui faut désormais du bien, des biens. Polyvalent, le bien-être est devenu le remède de la vie moderne, la petite pilule qui permet d’oublier la pesanteur du présent, de s’oublier un instant… jusqu’à la prochaine crise.

Entre la superficialité des remèdes et les erreurs de diagnostique, de posologie ou d’utilisation, les déçus sont la norme et garantissent la pérennité du mal-être… et du business bien-être. La boucle est bouclée.

Tout ce qui précède peut sembler un petit peu provocateur mais je suis bien placé pour parler des travers du bien-être. Co-fondateur d’un centre de bien-être à Genève, fondateur de l’Association Suisse bien-être, auteur auprès de « l’Editeur du bien-être » , je me coltine du bien-être à longueur de journées depuis 2002…

Intoxication, saturation ou simple indigestion ? Cet ouvrage est le fruit arrivé à maturité – d’aucuns diraient pourri – de trois facteurs :

La prise de conscience, tout d’abord, de l’inanité de cette approche pour faire face à la crise psychologique made in Occident. Sommes-nous vraiment plus heureux depuis que nous sommes cernés par le bien-être ? Entre malédictions, malentendus et malfaçons, nous allons voir ensemble pourquoi le bien-être est un concept globalement malsain.

Un ras-le-bol, ensuite, face à l’hypocrisie, aux mensonges ou au mal-être d’un certain nombre de soi-disant acteurs du bien-être. C’est avec quelques uns de ces personnages hauts en douleurs que nous entamerons notre décente, osant faire au passage une série de portraits au vitriol afin de mettre en lumière les incohérences et paradoxes de ce secteur d’activité. Si les personnes qui travaillent dans le bien-être n’y arrivent pas, comment croire que la méthode sera efficace avec les autres ?

Une perspective, enfin. Après avoir touché le fond et perdu sous la violence du choc les notions d’« avoir », de « progrès » ou de « bien », nous remonterons plus léger à la surface à la recherche d’une approche axée sur le simple et fondamental « être ». Plutôt que de paraître, il faudra bien en effet un jour finir par être !

Ce n’est qu’une fois en contact avec notre essence, débarrassé des illusions et manipulations du bien-être, qu’il nous sera en effet possible de faire le choix d’une autre qualité de vie et de réflexions. La sagesse taoïste nous aidera notamment à reprendre contact avec notre nature, à « être au monde », à faire la paix avec nous-mêmes afin de nous accepter dans notre globalité et notre unicité, par-delà le bien et le mal.

« Quand chacun saisit le sens du bien, le mal apparaît » dit Lao Zi (2-2). Quand chacun saisira la tyrannie du bien-être, la liberté de l’être apparaîtra et avec elle la possibilité d’un véritable contentement et épanouissement personnel. C’est, dans tous les cas, tout le mal que je vous souhaite !

 

Chap N°1: Bien-être dans le moule
Les manipulations du système.  

L’univers du bien-être n’est pas sans évoquer le petit monde de la cosmétique: le « masque » cache les imperfections de la normalité; la crème protège des agressions du monde ; la mousse donne le sentiment d’être plus léger, le parfum (synthétique) évite de se « sentir mal »…

Le terme « cosmétique » vient du grec « kosmos » qui signifie « parure », c’est-à-dire « qui embellit et qui décore ». La cosmétique a par essence un caractère superficiel et, longtemps, les crèmes ont d’ailleurs servi d’écran à la crasse. Le bien-être serait-il, par analogie, le paravent d’un mal-être généralisé ? A se badigeonner en permanence de bien-être, ne prend-on pas le risque, au final, de ne plus supporter grand-chose voire de développer des allergies ?

La cosmétique estampillée « Bio » connaît une croissance à deux chiffres mais l’argument du naturel ne saurait légitimer le business du « paraître ». Que ce soit sous l’égide du bio ou du chimique, refuser boutons et rides, imperfections et vieillesse, revient toujours, in fine, à rejeter des aspects essentiels de la vie elle-même. La cosmétique Bio reste de la cosmétique de même que la consommation de produits de bien-être demeure de la consommation. Le pouvoir d’achat s’exerce sur autre chose mais le paradigme n’évolue guère et les promesses du marketing n’engagent toujours que ceux qui ont la naïveté d’y croire…

L’expert en bien-être demeure également expert et il lui sera tout aussi difficile de « comprendre une chose si son salaire dépend de ce qu’il ne la comprenne pas. » Assis sur sa branche plus ou moins pourrie, il encouragera les badauds à prendre de l’altitude pour le rejoindre, oubliant que la nature humaine requiert avant tout de toucher terre. Il leur promettra un soleil éternel au dessus des nuages, oubliant qu’il ne peut y avoir de croissance sans nuage et sans pluie. Il leur parlera de beauté, de confort et de santé, oubliant qu’il ne peut y avoir de sens de la vie sans vieillesse, sans douleur et sans mort.

L’obsession de la performance et la promesse d’un monde meilleur sont excellentes pour les affaires. Quoi de mieux en effet pour la consommation qu’une compétition illimitée en quête d’un objectif illusoire ? Le bien-être, sous le prétexte de l’être, ne viserait-il pas avant tout l’avoir de biens de consommation. Le bien-être, sous l’égide du bien, n’est-il pas le premier pourvoyeur de mal-être, complexes et frustrations ?

Il n’y a évidemment aucun mal à se sentir bien ou à désirer aller mieux. Le problème survient lorsque cette aspiration se transforme en injonctions sociales déclinées sur le mode de l’impératif : « Que tu sois bien ! », « Sois bien ! », « Bien ! » Il n’est en effet plus alors question de développement personnel mais de développement du personnel. L’objectif n’est plus d’être bien mais d’être toujours mieux et, au passage, de bien nous comporter.

[...]

 

Chap N°2: Le bien (être) de CONsommation courante
Bien-être ou bien avoir ?

Dans le cadre d’une société marchande, bien-être signifie le plus souvent bien consommer c’est-à-dire en quantité suffisante pour justifier les investissements publicitaires et garantir une croissance pérenne. Un bon citoyen est avant tout un bon consommateur : je consomme donc je suis.

L’objectif étant d’accoler les deux termes par un trait d’union, le numéro de charme entre les biens et l’être consommateur se déroule grosso-modo de la manière suivante :

1. Une publicité pour un bien quelconque diffuse le message subliminal « achetez-moi et vous vous sentirez bien »
2. L’être, crédule et confiant par nature, obéit et se retrouve avec un nouveau bien dans son caddie®.
3. L’être est d’abord sous le charme et légitimement fier d’une acquisition qui le caractérise comme un être d’exception : il a acheté le bien comme tout le monde !
4. Mais l’être constate vite que le bien ne remplit pas ses promesses, que le bien-être n’est pas au rendez-vous.
5. Frustré par son expérience, l’être n’a qu’une hâte : compenser son mal par du bien. C’est donc tout naturellement qu’il sera sensible à un autre message publicitaire…

D’une nature omnivore – qui se nourrit de tout – l’homme moderne est insidieusement passé à un mode de vie publivore® – qui consomme n’importe quoi – et ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater que cette évolution se fait le plus souvent au prétexte de l’être. Le bien-être est encouragé par le système car c’est en pensant à moi que je consommerai le plus. Si je commençais à penser aux autres, aux conditions de travail des ouvriers ou à la pollution engendrée par les gadgets, il y aurait nettement moins de « made in ailleurs ». Plutôt que de bien-être, il serait ainsi plus juste de parler de « bien avoir » ou même d’ « avoir des biens ».

Une bonne proportion de ces biens vise à combler un besoin primaire de reconnaissance : en société ou à l’intérieur d’un groupe, être bien, c’est avant tout être comme les autres et donc bardé des mêmes marques et gadgets. L’être s’efface alors devant le paraître et le packaging. Je consomme donc je fuis.

– Je veux être cool!
– Eh bien cooltine-toi donc les mêmes marques que les autres...


Le bien-être est souvent légitimé d’un « parce que je le vaux bien ». Je pense, en achetant un bien, valoriser un être. C’est oublier que tout bien acheté est avant tout la manifestation d’un état de manque : je mange parce que j’ai faim ou ai besoin de réconfort ; je me maquille parce que je me trouve perfectible ou pas assez beau ; je consomme parce que je me sens mal ou pas assez bien. La peur du vide ou du manque de plein conduit à toujours plus de biens.

[...]

Nait-on cool ou le devient-on à coup de grosses marques superficielles ? Mouvement de résistance passive des esclaves noirs puis jeu tout en retenue du Jazz , est devenu "cool" celui qui est "calme, décontracté, détendu" ce qui exclu définitivement la plupart des patrons des start up labellisées cool mais aussi tous ceux qui travaillent activement à paraître.

La tyrannie du cool découle toutefois avant tout de son assimilation récente à ce qui est "bien, positif, agréable". Il faut positiver et tout produit sera donc marketé "cool". Il faut être agréable et tout utilisateur du produit pensera donc être encore plus "cool" qu'avant… le retour à la réalité, un être "frais" ou "léger" étant toujours plus mièvre qu'un homme serein et responsable.
 

 

Chap N°3: Avoir l'air bien (sous tous rapports)
La civilisation des impostures

– Avez-vous l’air s’il vous plait ?
– Oui, il est l’air d’être mince et musclée !

« Avoir l’air bien » suppose aussi d’être à la page c’est-à-dire en conformité avec les mannequins anorexiques des magazines. La mode réussit l’exploit de complexer presque tout le monde : pas assez grand, pas assez mince, pas assez musclée, pas assez lisse, pas assez sexy, pas assez parfaite, pas assez moi vite un magazine pour que je prenne modèle sur une autre !

« La bonne taille est lorsque les deux pieds touchent le sol » disait Coluche. Et le bon poids ? Certainement pas lorsque les pieds touchent la balance ! Seules 14% des femmes se sentiraient bien dans leur corps alors que près de deux tiers des sondées ont un poids normal au regard des normes médicales… Au regard du poids de l’industrie du cosmétique, de l’esthétisme, des régimes et de la minceur , dire la vérité serait suicidaire : être sera toujours moins rentable que « pourrait être » ou « devrait être »…

– Allo, t’es où ?
– Eh bien dans le virtuel puisque tu m’appelles !


« Avoir l’air bien » requiert également d’être branché c’est-à-dire déconnecté du monde extérieur et du moment présent. Isolé dans un casque audio ou suspendu au téléphone, nous ne sommes plus que rarement là où nous sommes. Ne pas être joignable à tout instant est devenu une tare rédhibitoire : une disponibilité de chaque instant est requise et tant pis si, au passage, je me perds de plus en plus. Je n’aurais qu’à brancher mon GPS…

Demander son chemin à un inconnu ? Encore faut-il oser relever la tête, communiquer sans clavier, établir un contact visuel sans écran, écouter une réponse sans écouteurs… Que de risques et d’échanges de microbes inutiles, sans parler de la « perte de face » à dire ainsi tout haut que je ne sais pas quelque chose ! Facebook sera bien plus selfish et egofriendly et la quantité de mes amis compensera la superficialité de nos échanges. Pour bien-être, il convient désormais d’être bien virtuel...

[...]

 

 

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Auteur & Consultant Ecologique / Benoît Saint Girons / Tél: +41 76 532 8838 /
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