On n'est jamais mieux servi que par soi même... ou par un majordome... Dans la foulée des dialogues du conte - et en attendant que de vrais journalistes s'intéressent au sujet - j'ai donc imaginé quelques questions pour m'aider à mieux vous présenter le Mendiant. Comme vous le verrez, le pseudo journaliste-interviewer me vouvoie et n'est pas du tout agressif ce qui tend à prouver 1. qu'il est plus poli que le mendiant 2. que je ne suis pas masochiste. Dans l'attente de questions "extérieures", je vous laisse donc en compagnie des miennes... |
D'où provient l’idée du Mendiant ? |
Parlez-vous du conte ou du personnage ? L’idée du conte est venue naturellement, suite à la rédaction de mon ouvrage pratique « L’Autre Choix ». Je me suis dit qu’un petit conte permettrait de véhiculer des idées de manière plus ludique. Le personnage du Mendiant s’est rapidement imposé comme l’anti héros idéal, l’antithèse du "superman", idéalement placé pour critiquer le système : exclu de la société et déjà par terre, il peut en parler de manière plus objective, sans risque de tomber ! |
Ce n’est quand même pas un mendiant ordinaire… |
Ce mendiant n’a en effet rien à voir avec les malheureux SDF que nous croisons parfois. Il s’inscrit dans la tradition de la mendicité "positive" ou volontaire que l’on retrouve en Asie ou dans certains pays musulmans : la mendicité en tant qu’apprentissage de l’humilité et de l’ascétisme, en tant que remise en cause de l’ego. La posture du Mendiant n’est ainsi pas sans évoquer celle du Bouddha… ou du sage de Lao Zi... |
Il s’agit donc d’une quête spirituelle ? |
Il est possible d’y trouver une certaine spiritualité mais le conte est avant tout terre à terre : il traite de l’homme et non de l’esprit, de la vie quotidienne et non de l’au-delà, de la responsabilité et non des superstitions… |
|
Il y a quand même une organisation bien mystérieuse et un Petit Livre bleu assez déroutant… |
Oui, c’est vrai : Samuel a l’air de suivre une sorte d’initiation secrète. On verra ce qu’il en est à la fin… On pourrait aussi dire que le Mendiant est un conte initiatique dans le sens où il « met au courant » ou qu’il « fait la lumière » sur un certain nombre de scandales. Ce qui est sûr, c'est que le lecteur ne sera plus tout à fait le même après avoir rencontré le mendiant… Mais n’est-ce pas toujours le cas lorsque nous rencontrons quelqu’un ? Comme le dit le majordome : « Nous sommes tous entourés d’êtres extraordinaires mais nous sommes généralement trop accaparés par notre ego pour en prendre conscience. » |
Comment résumer le Mendiant ? |
C’est difficile sans en révéler l’intrigue… Nous suivons en quelque sorte les itinéraires et les interrogations de deux personnages : le jeune Samuel et le riche Jean Jacques. Le premier est en quête d’un travail et rencontre une mystérieuse bibliothécaire. Le second vient de perdre sa femme et essaye de recoller les morceaux d’une vie jusqu’à présent menée dans l’insouciance et la passivité. |
Un pauvre et un riche… Une vision un peu manichéenne, non ? |
Seulement si on y applique les clichés d’usage : le gentil pauvre et le méchant riche… Le Mendiant est un peu plus subtil que cela… Peut-être ne faudra-t-il d’ailleurs pas trop se fier aux apparences... Comme le dit le mendiant à un moment, n’existe-t-il pas autant de perspectives que de points de vue ? |
Parlez-nous un peu de ce mendiant justement. Qui est-il ? |
Je répondrai par un autre passage : Il est ce que vous souhaitez qu’il soit : confident, mendiant, ami, thérapeute, professeur, libre, sage, fou,… Il y a tellement de qualificatifs possibles… Il est un vecteur de générosité et une aide pour tous ceux qui lui accordent un instant. |
|
Il est aussi philosophe… |
Dans le sens que donnait Epicure de la philosophie, oui : « La philosophie est une activité qui procure, par les raisonnements et les discussions, la vie heureuse. » Le mendiant, via la discussion, invite ses interlocuteurs à raisonner, à retrouver leur liberté de penser et d’agir. |
L’action est en effet au cœur du livre. |
Il faut vivre pour être heureux et non pas être heureux pour vivre, dit le mendiant. Samuel a tendance a multiplier les livres, les théories et les techniques au point d’oublier de les mettre en pratique. Jean-Jacques a pris l’habitude de la passivité, au point d’en oublier la vie. Les deux vont subir un électrochoc qui va les réveiller… |
Il y a beaucoup de surprises dans le conte. |
Les premières versions étaient nettement moins scénarisées. Ce sont mes relecteurs qui m’ont incité à retravailler l’histoire et je tiens pour cela à les remercier. |
Ce n’est toutefois pas un roman… |
Je ne suis pas romancier. Je n’écris pas à priori pour raconter une histoire, présenter des lieux ou faire des études psychologiques de personnages imaginaires et je n’ai pas beaucoup d’affinités pour les descriptions… J’écris pour faire passer des messages. Au-delà des nombreux rebondissements, le Mendiant reste un conte militant, un conte à rebours du système. |
|
C’est à dire ? |
C’est à dire qu’il dénonce les manipulations et l’exploitation des hommes et appelle à un nouveau paradigme de la société : la coopération entre individus plutôt que la loi de la jungle, le contentement personnel plutôt que le développement du personnel, la richesse humaine plutôt que les ressources humaines, la force plutôt que la violence… Il donne également des pistes pour dépasser les conditionnements et gagner en liberté et en bien-être. |
Il y a néanmoins un paradoxe entre la liberté prônée et la manipulation des protagonistes par l’Organisation de la bibliothécaire… N’est-ce pas contradictoire ? |
La faim justifie-t-elle les moyens ? A cette question, les philosophes répondent généralement « non » mais le système – qui a remplacé sans vergogne faim par profit – est beaucoup plus nuancé, comme nous le constatons au quotidien. Si l’Organisation est aussi manipulatrice que le système, son objectif n’est pas d’abrutir et d’endormir mais au contraire de réveiller voire d’éveiller les consciences. Pour réveiller quelqu’un, on peut lui susurrer « Réveille-toi » à l’oreille ou le secouer un peu. L’Organisation a clairement fait le choix de la seconde option : le réveil en fanfare ! |
Elle pouvait aussi les laisser se réveiller tout seul… |
Non parce qu’il y a urgence et qu’à trop dormir, on finit par ne plus rien vivre ni contrôler ! Si quelqu’un s’endort près d’un précipice, ne faudra-t-il pas aussi le réveiller pour lui éviter de tomber dedans ? Le personnage de Jean-Jacques est complètement déboussolé et à la limite de la dépression. L’Organisation le réveille et lui remet une boussole mais elle le laisse libre de se mettre ou non en marche. Il n’y a aucune obligation… et elle finit par tout révéler ! |
Ce qui ne résout en rien la question de l’éthique… |
En effet. Les méthodes de l’Organisation demeurent très discutables et leur plan assez machiavélique. C’est l’une des limites de leur combat mais c’est aussi ce qui donne son intérêt à l’histoire… et ce qui ouvre le débat : jusqu’où peut-on aller pour remettre en cause le système sans tomber dans un autre système ? L’expérience du communisme est là pour nous inciter à la prudence… |
|
Avez-vous résolu cette problématique ? |
Je crois que la remise en cause du système passe par l’information : si j’apprends à quel point je suis manipulé, je ne vais pas forcément me révolter mais je vais peut-être changer mes habitudes. Personne n’aime se considérer comme un mouton, une vache à lait ou un cobaye ! Dire « vous devriez arrêter de fumer » ou « fumer, c’est pas bien ! » est aussi infantilisant qu’improductif. Mettons plutôt en avant les moyens dont se servent les industriels du tabac pour manipuler les fumeurs et donnons à chacun les moyens d’alimenter sa propre réflexion. C’est l’objet des dossiers, du blog du Mendiant et des contes à rebours gratuits: De l'air! et Bon appétit! |
Le Mendiant est très critique vis à vis de notre système de santé... |
Il est critique vis à vis du système en général ! Mais comme la santé est l’élément primordial d’un bien-être véritable, il est normal que nous ouvrions le débat. J’ajoute qu’avec mon travail dans notre centre à Genève www.lemieuxetre.ch , je suis constamment confronté à des personnes en souffrance. Le stress fait des ravages ! Or que constatons-nous : 1. Que les solutions allopathiques traitent des symptômes mais non des causes. 2. Que la chimie affaiblit le système immunitaire et entraîne souvent une dépendance. 3. Que certaines solutions naturelles donnent d’excellents résultats sans ces effets secondaires. 4. Que malgré ces résultats, ces solutions continuent à être snobées par un corps médical sous l’influence de l’industrie pharmaceutique. C’est cet obscurantisme de la médecine que je dénonce. Les médecins ne demandent pas mieux que d’être fidèles au serment d’Hippocrate mais le système essaye constamment d’endormir leur vigilance à coup de somnifères… |
Que disait Hippocrate ? |
Il demandait aux médecins de conseiller à leurs patients « le régime de vie capable de les soulager » et d’écarter d’eux « tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible » Il parlait de « régime de vie » et non de médicaments c’est à dire qu’il mettait l’accent sur la prévention. Une personne en bonne santé n’a-t-elle pas moins de "chance" de tomber malade ? Il disait « Le corps fait une maladie pour se guérir » et aussi : « Que ta nourriture soit ton médicament et ton médicament ta nourriture » Si nous commencions par bien manger, nous nous porterions déjà bien mieux... mais cela, tout le monde le sait ! Ce que tout le monde ne sait pas, c’est à quel point les aliments modernes sont dénaturés et néfastes pour notre organisme… |
Vous écrivez « Tant que le fric primera sur le bien-être, la maladie sera notre lot commun… » |
L’énergie du système, c’est l’argent. Or, il est évident qu’un malade obèse et complexé sera plus "rentable" qu’une personne en bonne santé physique et psychologique. Le système n’a aucun intérêt à notre bien-être puisque c’est lorsque nous sommes heureux que nous consommons le moins! A quoi me serviraient des gadgets si j’ai déjà l’essentiel ? Le mal-être, les complexes, les peurs et les frustrations sont de bien meilleurs vecteurs de consommation. Comme le dit la bibliothécaire : « La nature a peut-être horreur du vide mais le système en a fait son fonds de commerce. » |
|
Vous remettez ainsi en cause une consommation que vous jugez excessive… |
Excessive d’abord dans le sens où nous la contrôlons mal : nous sommes littéralement poussés à consommer et, cela, de plus en plus jeune, au point que des enfants sont moqués parce qu’ils ne portent pas de marques ou n’ont pas le dernier téléphone portable… Excessive aussi parce que les produits consommés sont parfois de mauvaise qualité ce qui entraîne soit du gaspillage (lorsque l’appareil made in China casse en quelques mois), soit des problèmes de santé dans le cas de l’alimentation (produits raffinés plutôt que produits complets par exemple). Excessive enfin dans le sens de ce que l’on en attend : entre les promesses des publicitaires et le bien-être véritablement obtenu, il y a souvent de la marge ! C’est pourquoi je cite les philosophes grecs, au premier rang duquel Epicure qui, s’il met bien en avant la notion de plaisir, invite à la trouver d’abord en soi. |
Vaste programme ! |
Oui mais n’est-ce pas le plus important ? Ne pas cesser, bien sur, de consommer (qui le pourrait ?) mais devenir un consommACTEUR libre et responsable. Dans le même temps, être globalement content de soi, satisfait de ses journées, optimiste pour son avenir, reconnaissant pour son passé,… |
... et heureux! |
Le mendiant parle moins de bonheur que de mieux-être. En fait, le message du mendiant est multiple: si d’un côté, il invite à se prendre en charge et à mieux se connaître, il reconnaît aussi la nécessité d’accepter nos défauts et nos erreurs. Il dénonce ainsi, comme Pascal Bruckner, la tyrannie du bonheur et de la perfection qui nous rend inhumain de vouloir être plus qu’humain. La philosophie du mendiant est avant tout humaniste : elle replace l’homme au cœur du jeu ! |
Vous parlez un moment du jeu de la société. Quelles en sont les règles ? |
La règle principale serait de prendre du plaisir à jouer, tout en respectant le plaisir des autres. Tricher, être mauvais joueur ou essayer de gagner à tout prix sont de mauvaises stratégies car personne ne peut gagner à tous les coups. Nous avons tendance de nos jours à jouer bien trop sérieusement. Il est urgent que nous retrouvions notre âme d’enfant et notre capacité d’émerveillement. Le monde est beau mais notre regard est trop souvent embué… |
|
Ce n’est donc pas un hasard si le mendiant rencontre Jean-Jacques devant l’exposition de la Terre vue du ciel… |
Hasard, logique, chance ou malchance, qui sait ? Je me rappelle le succès de cet exposition à Paris : c’était la première fois que l’on voyait de tels clichés au cœur de la ville. Le contraste avec la vision tristounette du monde par les médias était saisissant. Car que voyons-nous dans les journaux télévisés d’habitude: tout ce qui sort de l’ordinaire ! Le crash d’avion plutôt que les milliers de vols qui atterrissent quotidiennement sans encombre, le meurtre plutôt que les milliards de poignées de main ou de sourires… Sur une page blanche, c’est évidemment le point noir qui saute aux yeux ! Et voilà que, grâce à l’exposition de Yann Arthus-Bertrand, on découvre, qu’avec la bonne perspective, avec la bonne hauteur, le point noir peut disparaître ! Jean Jacques regrette que l’hélicoptère ne soit pas à la portée de toutes les bourses mais, en réalité, il l’est : il s’agit de notre esprit ! C’est cela que Jean-Jacques va découvrir progressivement… |
|
Vous avez aussi un projet écologique... |
... dont il est possible de parler puisqu'il est d'ores et déjà en place! Il s'agit tout simplement de diffuser gratuitement, via email, un petit conte écologique assez percutant: De l'air! J'espère ainsi pouvoir aider à la prise de conscience des manipulations dont nous sommes les victimes, manipulations entraînant de multiples pollutions. Il s'agit d'un manifeste en faveur de la lib'airté qui, je l'espère, ne laissera pas indifférent mais si j'en crois mes premiers lecteurs, c'est le cas! |
Et un projet alimentaire... |
Egalement en place mais pas très original puisqu'il s'agit... de diffuser gratuitement, via email, un petit conte alimentaire assez percutant: Bon appétit! Il s'agit cette fois de faire prendre conscience de la malbouffe ambiante et de favoriser l'Aliment'Action, seule gage de santé et de vitalité. |
Bref, voici un mendiant qui donne beaucoup! |
Les mendiants donnent toujours beaucoup! Ce sont nous, les passants, qui devons apprendre à mieux recevoir... et à donner en retour... Il ne faut pas grand chose pour changer le monde. Juste une nouvelle perception de la vie... |
Bon courage alors! |
Merci. |
Voir aussi l'interview du magazine Grandir Autrement ci-dessous: |
D'autres questions ?
Commander Le Mendiant et le Milliardaire
© Textes et Photos Copyrights Le Mendiant / Toute reproduction interdite sans accord préalable.